L'obscurantisme moderne : 3- Des dérives dans les domaines ésotériques et spirituels

 Bien, maintenant qu’on a « tapé » sur la science, voyons un peu ce qui se passe dans le, ou plutôt les milieux spirituels. Je ne vais pas faire la sociologie exhaustive de ce domaine extrêmement vaste où on trouve un peu tout et n’importe quoi, de la religion monothéiste regroupant des milliards d’adeptes jusqu’à la secte de quartier formée autour d’un groupe de réunion Tupperware… Mais je vais tenter de dégager quelques constantes de ces milieux, et de montrer qu’on aboutit très facilement à des dérives obscurantistes sous prétexte d’élévation spirituelle, d’illumination ou encore de purification de la conscience et autres concepts dans le même esprit.

On a beaucoup écrit sur la grande période d’obscurantisme qu’est censé avoir été le moyen-âge, aussi appelé parfois « âge sombre ». Néanmoins ce qui m’intéresse plus particulièrement n’est pas d’évoquer les croisades, les bûchers, l’inquisition, je crois qu’il est assez évident qu’il s’agit de dérives de nature obscurantiste qui ont parsemé ces siècles-là. Et bien qu’il y aurait beaucoup à en dire, cela a déjà été dit en long en large et en travers, et je préfère m’intéresser à l’époque contemporaine, dans laquelle nous vivons tous.

Nous avons tous entendu parler, surtout en France, pays particulièrement crispé sur cette question, des « sectes » et de leurs dangers. C’est que la fille ainée de l’Eglise, comme on qualifie parfois la France, a son lot de censeurs catholiques se regroupant en organismes qui se disent observateurs des sectes. Certes, les groupements sectaires portent en eux, a minima, la potentialité de dérives diverses… comme tout groupe humain fondé sur une idéologie ! Et précisément, je ne m’étendrai pas sur cette question des dérives sectaires, ayant par ailleurs déjà écrit pas mal d’articles pour moquer certaines de ces choses ou de figures marquantes de ces milieux, et je vais plutôt m’intéresser en premier lieu à ces groupes idéologiques qui se disent « anti-sectes ».

Je crois avoir déjà parlé de ces sites :

http://www.info-sectes.org/

http://www.info-bible.org/

Et je crois avoir déjà démontré que ces deux sites, conçus exactement sur le même modèle, par exactement les mêmes personnes, sont la première preuve que l’on peut à la fois vouloir pointer du doigt des dérives, et tomber soi-même dans exactement ce qu’on dénonce.

On a ici deux sites purement partisans, qui sur l’un critique les sectes, et sur l’autre fait la promotion de la sienne… Logique mercantile de lutte contre le concurrent pour gagner des parts de marché ? Je vous en laisse juge, pour ma part ça me parait évident.

Et nous revoilà déjà dans ce que j’expliquais dans l’article précédent, à savoir un exemple factuel de quelqu’un qui, se complaisant dans la limitation de ses propres croyances, défend ses propres intérêts en alimentant une attitude dogmatique et obscurantiste. Ca n’a pas tellement changé depuis le moyen-âge, sur ce point, et preuve en est que les autres organismes dits anti-sectes sont dans le même type de dérives. Par exemple, la miviludes, qui ne s’est pas privée de classer l’association dont j’ai été vice-président dans sa liste des sectes, sous prétexte qu’il y avait parmi nous des wiccans (religion reconnue officiellement aux USA, au même titre que le catholicisme ou les mormons), et que la wicca est, pour eux, satanique.

Il est bien évident que pour qualifier une religion païenne de satanique, il faut avoir une inclination marquée à l’inquisition, et par conséquent un esprit imprégné de catholicisme, ou de mentalité judéo-chrétienne. Cette organisation gouvernementale, et financée par les deniers publics, utilise donc des arguments religieux pour disqualifier des groupes religieux. De là à penser qu’on aurait à faire à des catholiques défendant leur Eglise, il n’y a pas loin, mais ces gens s’en prennent à tout le monde, incluant des protestants et des écoles privées catholiques, dès lors que les pratiques sortent du cadre normatif laïc. Nous avons donc là un exemple d’inquisition justifié par des impératifs de laïcité, la grande prétention spirituelle moderne des régimes républicains se disant démocratiques.

La dérive obscurantisme ne se trouve donc pas simplement dans les grandes religions, ni dans les organisations occultes de petite envergure, mais dans tout mouvement idéologique ayant ou non des prétentions spirituelles.

Au rang de ceux-ci, on pourra penser au stalinisme (ou au léninisme) et à son culte de la personnalité, au libéralisme avec son culte de la liberté, le laïcisme avec ses prétentions de neutralité, sans parler du new age en général, avec ses obsessions positivistes ou relativistes et ses conceptions pseudo-scientifiques qui lui servent de caution. J’ai déjà largement exposé certaines de ces choses dans ce blog par le passé, et je n’irai donc pas plus loin sur ce point.

Ce qu’on peut dire, de manière générale, pour conclure sur ce sujet sans trop en faire, c’est que, dans les milieux spirituels, l’obscurantisme procède paradoxalement, mais comme partout ailleurs, d’une forme d’occlusion spirituelle. C'est-à-dire que, pour défendre une idée, un Dieu, une croyance, comme dans la science ou ailleurs on peut défendre son intérêt de laborantin ou de maitre d’étude, on pratique une sorte de mutilation virtuelle de la conscience qui équivaut à se mettre des œillères, pour ne voir que ce qui semble être juste dans notre vision des choses, et que ce qui semble être erroné dans la vision des autres. Ainsi l’individu borné, qu’on peut retrouver dans le milieu ésotérique ou spirituel, comme dans tout autre milieu, se construit une défense psychologique efficace, qui lui permet en réalité de lutter contre le changement, de se maintenir dans ses croyances confortables afin de se tenir à l’abri du doute, qui est toujours plus inconfortable, car il oblige à se remettre en question, à faire des efforts pour se départir de croyances qui nous arrangent. Les méthodes et les subtilités psychologiques pour parvenir à cela ne manquent jamais, parce que l’ego est toujours très puissant lorsqu’il s’agit de tenir à distance les prises de conscience qui importent vraiment. Ainsi, l’individu de ce type pourra avoir tendance à se convaincre, par exemple, que sa croyance n’est justement pas confortable, qu’elle demande du courage, de la rigueur morale ou quoi que ce soit d’autre qui conforte et valorise la personne dans son état d’esprit, lui interdisant toute évolution. Et c’est en quelque sorte une force de l’obscurantisme que d’être si obscur qu’il est aveugle aux arguments autres, et aux idées différentes. Lorsque, en plus, des groupes de personnes se fédèrent autour de ces idées et d’un tel mode de fonctionnement, on aboutit aux dérives les plus graves et les plus dommageables, telles que l’intégrisme ou des extrémismes sectaires, ou même « anti-sectaires ». C’est que l’obscurantisme fonctionne aussi bien « pour » une idée, un groupe, un mouvement, que « contre », comme en attestent tous les mouvements inquisitoires ou censeurs que l’on rencontre dans le monde.

La prochaine fois, je conclurai sur ce sujet en effectuant un tour d’horizon assez éclectique pour ne pas trop m’appesantir sur ce sujet. Je proposerai une série d’articles et de réflexions diverses, afin que chacun puisse approfondir le sujet par soi-même.

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/miviludes-les-derives-de-la-33560

http://www.urantia-gaia.info/2012/07/19/miviludes-la-secte-qui-ne-dit-pas-son-nom/