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L'Oeil du Selen
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1 mai 2014

L'intoxication publicitaire, quand la publicité sert de référence spirituelle

Aujourd’hui un message sur un sujet un peu différent mais qui, nous allons le voir, rejoins ma critique sur le new age. Peut-être en avez-vous assez de cette rengaine, mais moi ce qui me lasse, c’est de voir constamment, partout autour de moi, à chaque instant, que le monde dans lequel je vis est pollué par des idées infantiles, naïves et dont le seul « intérêt » est de maintenir les gens dans une pensée unique et conformiste, rassurante et lénifiante. Tout simplement car je suis obligé de partager mon existence avec toute cette populace fière de se vautrer dans la médiocrité, se laissant dicter ce qu’elle croit devoir penser par des médias qui ressassent sans cesse les mêmes bêtises.


Certaines de ces bêtises sont particulièrement insidieuses, au point de finir par former une sorte de consensus au sein des masses. La publicité est la première, mais non la seule responsable de cet état de fait. Parmi ces idées que l’on insinue de force ou par malice dans la tête des gens, il y a celle que le négatif doit être complètement laissé de côté, ce qui implique que la critique de quelque chose est par essence mal vue. C’est comme s’il fallait boire tout ce qui nous tombe dans la bouche sans avoir le droit à exercer un esprit critique. Car toute critique, fut-elle constructive, est presque invariablement vécu comme une chose pénible et négative, et j’en sais quelque chose, en tant qu’auteur.


Pour illustrer cela, je vous propose un mail que j’ai reçu aujourd’hui même, qui ma profondément exaspéré par l’état d’esprit béat qu’il véhicule, et qui émane pourtant de l’habituellement bon site www.santenatureinnovation.com/.


Ce n’est toutefois pas la première fois que je reçois des messages douteux de ce site. Un coup trop alarmiste, un coup abusivement positifs et béats… Je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, mais ça me semble être justement le problème de ce site : vouloir plaire à tout le monde, pour se créer sa place sur le web, en ratissant large, un coup je t’alerte sur la grippe, un coup je te dis « attention la médecine moderne, dangereuse, etc. », tout ça pour mieux « vendre » (pas au sens littéral, le site ne vend pas de remèdes, mais il défend une part de marché sur le web, ce qui revient plus ou moins au même) du remède naturel, et un coup je te dis « ouai, la taurine dans le redbull, c’est même pas nocif ». Un peu de sérieux ne ferait pas de mal, des fois… Boire des boissons énergisantes contenant des principes actifs et une tonne de sucre ne risque pas de faire du bien, on aurait aimé lire un propos plus intelligent de la part d’un site qui prône les médecines naturelles et l’hygiène de vie, mais passons…


Bref, il s’agit d’un bon site dans l’ensemble, et mon propos n’est pas de m’en prendre à ce site, seulement au dernier mail reçu, et dont je cite ici des passages. Commençons donc.

Les aveugles conduisent

Chère lectrice, cher lecteur,

L’une des choses que je déteste dans le monde d'aujourd'hui est cette manière de tout considérer comme normal.

Nous communiquons grâce à des ondes radios, volons dans des engins en métal, et écoutons de la musique enregistrée il y a des dizaines d'années qui nous arrive par les airs, et pourtant, tout ce que nous trouvons à dire, c'est « Ben, et alors ? »

Pire, même : il suffit qu'un grain de sable se glisse dans la mécanique ; qu'une coupure de courant nous prive une demi-journée de nos appareils électriques ; que notre téléphone portable s'arrête provisoirement de fonctionner ; que notre train ou notre avion, qui nous transportent sur des centaines de kilomètres sans effort, aient quelques heures de retard pour que cela nous rende frustrés, furieux, et nous fasse maudire tout un système auquel nous contribuons pourtant si peu.

 

Mon commentaire : Donc, sous prétexte que nous ne travaillons pas tous à installer des câbles de communication, ou à fabriquer du matériel électronique, bref sous prétexte que nous ne sommes que des consommateurs, nous devrions nous taire, et accepter la mauvaise qualité du matériel que nous choisissons d’utiliser.

C’est oublier le joyeux problème de l’obsolescence programmée qui fait la joie et la richesse de ces marques qui fabriquent ce fameux matériel à moindre coût dans des pays où l’on exploite des travailleurs de tous âges.

C’est oublier aussi que le vrai problème n’est pas là. Certes, nous vivons dans un monde où tout semble magique, où l’ont peut tout piloter à distance, communiquer à distance, où l’on peut voyager d’un pays à l’autre, bref où plein de choses auparavant incroyables sont devenues possibles, et se font quotidiennement, voire à chaque instant. C’est vrai, vous ne trouveriez pas normal de ne plus avoir d’eau courante chez vous, vous seriez perdu si l’électricité venait à manquer durablement, etc.

Cela doit-il servir d’excuse pour devenir un consommateur abêti, obéissant, consommant en silence les produits auxquels il est devenu accro ? Car c’est ici que se situe le problème. Ce n’est pas qu’il soit normal ou anormal d’avoir l’électricité et l’eau courante 7/7 24/24, c’est que le consommateur est devenu dépendant de ces aspects pratiques. Mais cela va bien au-delà de l’eau et de l’électricité. C’est valable pour les transports, les communications, etc. Le monde moderne est conçu pour qu’on ne puisse « pas vivre » sans voiture, sans téléphone portable, sans internet, etc. Il est quasi impossible de se passer de tout cela, et pourtant, il y a 15 ans, internet n’était qu’un gadget, il y a 20 ou 25 ans, les possesseurs de cellulaires étaient de riches privilégiés travaillant dans les affaires, toujours sur le qui-vive, les ordinateurs personnels n’existaient même pas il y a 40 ans, et avoir une voiture à l’époque de mes arrière-grands parents était un rêve inatteignable. Il y a un siècle, aucune voiture n’était produite en série, et en fait, presque rien n’était produit de cette manière.

Alors quoi ? Nous avons gagné une dépendance, à l’égard de laquelle nous exprimons inconsciemment notre frustration lorsque quelque chose ne fonctionne plus, et il faudrait se taire et sourire en permanence des merveilles de notre monde moderne ? Je ne suis pas d’accord. Ce monde est une plaie permanente, qui nous impose ses tares et nous oblige à les adopter et à s’y conformer, sans quoi nous sommes à la rue ! Il est bon, juste, et sain, d’exprimer sa colère face à ces putains de machines qui nous aliènent, face à cette société de production de masse qui nous exploite pour nous faire produire nous-mêmes les outils de notre dépendance.

Je ne dis pas que tout est mauvais à notre époque, loin de là, mais de là à tout accepter sous prétexte de rester positif, franchement…

 


Car aujourd'hui, à part appuyer sur des boutons, que sommes-nous capables de faire ? Ce TGV, qui est bloqué sur la voie, et qui nous énerve tant, avons-nous la moindre idée de la façon dont il fonctionne et comment le remettre en route ? Cet Internet qui ne « passe » pas, savons-nous d'où il vient, où il va ? Ces écrans plats qui sont partout, en connaissons-nous seulement le principe, sans même parler d'en fabriquer un ??

Alors, d'où tirons-nous ce sentiment que tout nous est dû ? Qu'il est anormal et scandaleux qu'un seul des appareils qui nous entourent refuse de nous obéir ?

« Cet ordinateur refuse de s'allumer alors que j'ai déjà plusieurs fois appuyé sur le bouton – oui, rendez-vous compte, appuyé sur le bouton ! Et à plusieurs reprises encore !! » Et je me mets en colère contre cette marque « nulle », ce fabricant « débile » qui a osé fabriquer un ordinateur qui refuse de s'allumer alors que j'ai appuyé sur le bouton !


Que dirait un « sauvage » en me voyant ?

 

Il dirait sûrement que vous ne savez pas vous contenter de ce que la nature offre, en vérité. Il est triste que les « sauvages » soient peu à peu acculturés par notre navrante société de consommation. Les amérindiens meurent d’alcoolisme, de pauvreté et de désœuvrement dans des réserves, voilà ce que leur a apporté notre monde si fantastique devant lequel nous devrions nous forcer à l’émerveillement.

Enfin l’argument de « pousser des boutons » est un peu court et un peu gros. Le fait est que personne ne peut réparer de l’électronique, de nos jours, tant les composants sont microscopiques. L’électronique, que ce soit dans l’ordinateur que j’utilise ou dans la voiture que je n’ai pas, c’est du jetable : quand ça tombe en panne, on ne répare pas, on remplace ou on jette ! N’est-ce pas formidable ? N’est-ce pas magnifique ? Est-ce que cela ne vous pousse pas à l’émerveillement que les ressources d’or, de cuivre et d silice qui servent dans vos ordinateurs s’épuisent au point que dans les pays dits « émergents », des travailleurs pauvres s’intoxiquent aux métaux lourds en les recyclant pour le bien des occidentaux gâtés et qui ne savent même plus contre ou pour quoi ils doivent s’indigner, se rebeller ou se sentir en joie ?

Nous avons totalement perdu le sens et la saveur de la vie. Ah, qu’il fait bon regarder les enfants s’épanouir et apprendre la vie, sans savoir comment ils vont vivre les tournants écologiques et géopolitiques du 21e siècle ! Dans 15 ou 20 ans, si l’on en croit certaines études, le monde va connaître un passage de cap extrêmement difficile au point de vue des ressources, dont on sait qu’elles sont, et ont toujours été, le premier nerf de la guerre. Alors soit… émerveillons-nous maintenant, car bientôt il sera trop tard. Trop tard justement parce que les mentalités n’évoluent jamais.

Si j’en crois la suite du mail, au nom de je ne sais quel dogme en faveur d’un aveuglement béat, d’une bonne vieille dictature du bonheur, il FAUT s’émerveiller de ces saloperies vendues par Apple, Samsung et autres, et donc… en acheter ? En consommer ? Triste monde… Ce n’est pas ça qui rend la vie meilleure, ce n’est pas ça qui la rend plus belle, bien au contraire. Tout cela ne fait qu’étendre les tentacules de l’exploitation, développe l’inutile et le nuisible, tout cela répand la pollution dans l’environnement, l’intoxication dans les cerveaux, et le poison dans les cœurs. Tout cela fait, justement, perdre le sens de l’essentiel. Ce n’est ni normal ni anormal d’avoir tout cela à portée de main, au prix de notre monde, c’est dément, ça ne devrait pas être. Mais c’est. Car l’homme se fuit dans la consommation de bidules sans intérêt comme il peut le faire dans d’autres choses. Il y aurait tant à dire sur un problème aussi désespéré et désespérant…

 

Les aveugles conduisent

« Papa, comment fait-on pour conduire une voiture quand on est aveugle ? » m'a demandé ce matin mon petit Thomas, 5 ans.


Thomas est un petit garçon de son époque. Les choses les plus incroyables se produisent en permanence autour de lui. Et il ne se demande plus s’il est possible de conduire une voiture quand on est aveugle, mais comment conduire une voiture quand on est aveugle.

Et le pire, c'est qu'il a raison de poser la question !! Et c'est moi qui ai tort d'en sourire ! Car d'ici qu'il arrive à l'âge adulte, un aveugle pourra conduire une voiture, et peut-être même avant [1]. Il ouvrira la porte, s'assoira dans le fauteuil du conducteur, et dira « Allons à telle adresse ». La voiture, guidée par GPS et capable de respecter le code de la route et d'éviter les obstacles, l'emmènera à destination en toute sécurité.

Au bout de quelques années, plus personne ne trouvera ça spectaculaire. Au contraire, on fera des procès aux constructeurs lorsqu'un accident se produira. Les constructeurs responsables seront présentés comme d'abominables personnages motivés uniquement par l'appât du gain, méprisants de la sécurité des aveugles qui veulent conduire une voiture, ils seront condamnés à de lourdes amendes, et jetés en prison avec l'approbation populaire.

Mis à part quelques « vieux » comme nous qui se souviendront de l'époque où un tel prodige n'était même pas envisageable, tout le monde trouvera ça normal.

 

Ce point n’est pas faux, ni inintéressant à prendre en compte, mais que nous dit-on là encore ? Qu’il ne faut pas se rebeller contre le progrès, car le progrès est l’ordre des choses. C’est pourtant faux. Le progrès n’est que la résultante d’une croyance humaine, d’un fonctionnement social qui est celui de la société occidentale contemporaine. Ce n’est pas une loi de la nature, ce n’est pas un principe cosmique, c’est juste le fruit d’un effort continu de l’homme dans le domaine technologique, qui a soulagé autant de problèmes sociaux qu’il en a engendré. C’est une médaille à deux faces, un monstre à deux têtes dont l’individu d’aujourd’hui a tendance à ne vouloir voir que la meilleure facette. Il ne voit pas que le progrès lui donne du confort visible en même temps qu’il lui vole son identité et sa liberté d’une manière invisible. Il n’y a jamais eu autant de chômage que depuis que le « progrès » explose, jamais eu autant de maladies environnementales et de civilisation que dans la nôtre, avec tout le progrès sur lequel nous nous asseyons.

Alors un jour, les aveugles conduiront, oui, mais seront-ils en meilleure santé, seront-ils plus heureux et plus libres ? Et ceux qui vivront la même époque avec eux ? Quand il y aura 7 milliards de voiture pour 7 milliards d’habitants (car dans le cas avancé au-dessus, un enfant pourrait aussi avoir la sienne), vivra-t-on mieux ? Avec quoi fera-t-on rouler ces voitures ? Avec du pétrole qui n’existera bientôt plus ? Avec de l’uranium qui ne durera pas plus longtemps ? Avec de l’amour et du positivisme ? Bah !

Et moi, je n’ai pas de voiture, et pourtant je ne suis pas aveugle. Suis-je un sauvage ? Va-t-on me parquer dans des réserves, voire des prisons, pour pensée non-conforme ? Pour mode de vie suspicieux ? Surtout ne rien remettre en cause, surtout ne pas critiquer… Sourire à la vie, toujours. Même si l’homme la pervertit du mieux qu’il peut. L’empoisonne, la complique à outrance.

 



C'est pourquoi j'aime beaucoup cette vidéo qui montre deux vieilles dames hollandaises qui montent pour la première fois en avion. La partie intéressante commence à la 6ème minute de la vidéo, et regardez bien jusqu'au bout car le moment où elles décrivent leur expérience vaut de l'or. Vous pouvez regarder la vidéo ici

Quel bouleversement de les voir pleurer ainsi d'émotion. J'ai moi-même eu les larmes aux yeux en les regardant, mais peut-être suis-je trop sensible.

Ou peut-être pas.

Peut-être le monde serait-il plus beau si nous cultivions activement en nous la capacité de nous émerveiller des beautés et prodiges qui nous entourent. Parce qu'il y a vraiment de quoi tomber à la renverse.

 

La vidéo en question (https://www.facebook.com/photo.php?v=751908234854499&saved,) n’est rien d’autre qu’une publicité faite par Vodafone. Un fabricant de produits électroniques destinés à un public toujours plus abruti. Les commentaires parlent d’eux-mêmes. On va me trouver aigri, négatif, haineux, mais je vais vous le dire quand même tel que je le pense : je les trouve dans leur ensemble excessivement navrants et immatures.

Dans mon article précédent, je suggérais que l’homme est à un stade adolescent qu’il ne franchira peut-être jamais, et cette page de commentaires débordants d’innocence va tout à fait dans ce sens. Quelques personnes ont osé rappeler qu’il ne s’agit que d’une pub, d’abord destinée à donner une bonne image à la marque, ceci en utilisant le commerce des bons sentiments. Vodafone a-t-il changé le monde en faisant faire un baptême de l’air à deux personnes âgées ? Enfin voyons ! Vodafone a dépensé de l’argent, fait déplacer une équipe de tournage, fait voler un avion et dépensé du kérosène pour se donner une image sympathique, c’est tout. Mais ça marche car c’est dans la même veine de positivisme mièvre à la Arthus-Bertrand ou à la Nicolas Hulot, nos grands hélicologistes nationaux.

Regardons-y d’un peu plus près. Que disent ces commentaires ? Que ces femmes sont belles car cette expérience les rajeunit. Jeunisme. Formidable. Ça m’émerveille. Une personne âgée ne peut pas être regardée en face pour ce qu’elle est : vieille. Elle doit paraître jeune. Les marchands de cosmétiques et de colorants pour cheveux à base de produits toxiques l’avaient compris bien avant Vodafone qui n’a fait que reprendre le filon pour l’occasion, grâce à l’ingéniosité d’un publiciste avisé, trouvant le bon scénariste pour rendre tout cela dans une vidéo d’une dizaine de minutes émouvantes pour des gens au cerveau lavé ayant oublié leur esprit critique à l’école primaire. Ce que je dis est méprisant ? Pourtant moi je trouve ces commentaires méprisants envers la vieillesse, et leur existence à profusion sous la vidéo explique bien pourquoi aujourd’hui nos vieux s’entassent dans des mouroirs où beaucoup crèvent sans compagnie. Le vieux, il nous rappelle qu’on va vieillir et mourir. S’il sourit, c’est quand même mieux… Plus présentable. Plus sympathique. Plus vendeur. Ça donnerait presque envie de vieillir, tiens ! Pour pouvoir se faire payer un baptême de l’air par Vodafone… Ridicule.

Mais les gens qui, comme moi, rappellent le côté sombre de ces commentaires certes innocents, gentils, bien intentionnés, ne pouvons être que des rabat-joie. Je n’ai rien contre la joie. Je ris en écrivant cet article. Je me sens joyeux… Si, si. Car je ne tire aucune joie de ce que la stupidité ambiante rende le monde toujours plus vil et plus pénible, mais en revanche, je sais qu’il vaut mieux en rire que d’en pleurer. Il y a toujours des sources de joie, car la joie n’est pas quelque chose qui s’achète ni qui se vende, ni que Vodafone puisse mettre sous blister. C’est quelque chose qui coule en permanence, qui, comme l’émerveillement, n’a surtout pas à être forcé, étiqueté, conditionné et mis sous vide pour être livré et consommé à l’heure précise où l’on regarde tel programme divertissant à la télé, ou au moment où l’on vous dit de cliquer sur le bouton « play » d’une vidéo soi-disant émouvante, soi-disant humaine. Cette vidéo ne me touche pas. C’est du marketing, avec deux « vieilles » qui se sont payées un bon moment, mais qui a surtout été pensé, justement, pour susciter exactement les réactions suscitées dans les commentaires. Ça a atteint son but, et c’est ça le plus terrible. La publicité, ça fonctionne, ça vous vide le cerveau, ça vous fait tous penser pareil, et ça fait a même le pouvoir de faire taire ceux qui pensent différemment. Non vraiment, je m’en émerveille, la mécanique si bien huilée de ce marketing - dans le piège duquel tombent même ceux qui ont la prétention de mener une vie plus saine - me met en joie. C’est tellement facile de susciter telle ou telle émotion en mettant en jeu tel ou tel mécanisme… Ici, la sympathie, la volonté de partage des gens, et aussi leur volonté de faire taire leur angoisse de devenir vieux, de vivre dans la peine et la difficulté, parce que, justement, on accueille pas la vie. Secrètement, on en a peur. Et de la mort, aussi, et de la douleur. Alors, on se crée des « joies » fausses, non spontanées, livrées en boite. Des joies qui durent 10 minutes, et que l’on doit s’efforcer de prolonger, pour être vraiment « heureux ».

 

La lampe d'Alladin existe vraiment (et sans doute en avez-vous une dans votre poche)

Ces smartphones, que tant de personnes ont dans leur poche, n'est-ce pas tout simplement la réalisation stupéfiante, « en vrai », de la lampe d'Alladin, imaginée par les conteurs de fables de la Perse antique ?

Une lampe que vous tenez à la main. Vous faites un vœu, vous la frottez et… le vœu se réalise : « Génie, mon bon Génie, dis-moi si je dois tourner à droite ou à gauche » : vous frottez votre iPhone ou votre Samsung Galaxy, et la réponse apparaît.

« Fais livrer chez moi pour demain matin cet appareil photo » ; « Fais apparaître dans quelques secondes cette image, cette musique, ce message, ce film même, sous les yeux de mon cousin qui se trouve à des milliers de kilomètres ». Et à chaque fois, le miracle se répète.


Est-il raisonnable de s'énerver quand, de temps en temps, notre lampe d'Alladin, bien malgré elle, ne parvient pas à réaliser un de nos vœux ? Est-il logique de se faire des ulcères à l'estomac, de monter notre niveau de toutes les hormones du stress, dès qu'elle se met à « ramer » pendant deux minutes de suite ? Et ainsi d'augmenter notre risque de mourir d'infarctus ou d'AVC ?

 

Une autre perle de ce mail. Le monde est un conte de fée, un monde des mille et une nuits, et ce, grâce aux marques. Grâce à ces fabricants philanthropes qui embauchent parfois des enfants en Asie ou ailleurs pour faire fabriquer leur camelote, vous pouvez avoir la lampe d’Aladin chez vous, et pourquoi pas, bientôt, la belle au bois dormant ou le petit prince ? Le tout vendu sous différents coloris et avec différents parfums.

Franchement.

Pour qui nous prend-on ? Des con-sommateurs.

Ces fabuleuses tablettes que même la vilaine sorcière nous envie sont faites en plastique non-recyclable fait à partir de pétrole, contiennent de la silice et des métaux de toutes sortes qui, après leur utilisation, se retrouveront dans les décharges et dans les cours d’eau de la planète. Que d’émerveillement, je vous dis. L’auteur de ce mail a vraiment raté une carrière de publicitaire. On voit déjà les images de la tablette utilisée par une danseuse du ventre sur fond de décor oriental, avec les effets spéciaux dorés un peu cheap, et le slogan : « Samsung exauce tous vos souhaits ». Ben bien sûr. J’en commande une tout de suite. Faut-y pas être c…

Et en plus, si on critique, c’est qu’on cherche l’AVC. Non mais sérieusement… On peut simplement rejeter ces pseudo-progrès qui infantilisent et rendent les gens dépendants pour ce qu’ils sont, ça n’empêche même pas de reconnaître leurs mérites qui sont d’ailleurs tout relatifs. Un GPS ou une tablette n’exauce pas vos vœux, ils vous fournissent des informations, certes parfois remarquablement utiles et détaillées, mais de là à aller jusqu’à ces foutues sornettes à la Disney… Bon.

 

 

Ré-apprendre à s'émerveiller

Le fait que la lumière se fasse chaque fois que j'allume une lampe chez moi continue à me paraître incroyable quand j'y pense. De l'électricité – peut-être fabriquée par de l'uranium qui explose pour chauffer de l'eau qui entraîne une turbine actionnant une dynamo, puis voyage sur des kilomètres pour arriver dans ce fil puis jusqu'à l'ampoule qui la transforme en photons et éclaire mon livre ! Livre dont je serais bien incapable non seulement d'imprimer le texte, mais aussi de fabriquer le papier ou même l'encre ! Et que dire de cet incroyable mécanisme de clé qui, grâce à une géométrie particulière, allume le moteur de ma voiture quand je la glisse dans l’encoche et que je la tourne !

 

 

Ok, super. Vraiment. Parce qu’on est incompétent à faire des trucs que d’autres font pour nous, on doit trouver ça super et surtout s’abstenir de creuser plus loin voir si ça ne poserait pas un problème très sérieux à un autre niveau de notre existence.

Et ce mécanisme de fusil de sniper qui permet de tuer quelqu’un à 400 mètres en plein front sans être vu, quelle merveille vraiment. Je ne saurais même pas le faire moi-même. Pouah. Quel discours intolérablement mièvre.

 


Ou, plus encore, quelle merveille je sois entouré de ces enfants qui courent en riant, dont nous sommes si fiers, et dont le corps et l'esprit sont d'une si incroyable complexité, mais qui nous sont venus, ou plutôt nous ont été donnés, sans que nous n'ayons quoi que ce soit de compliqué à faire !

Bien souvent, je perds moi aussi cette capacité à voir les beautés qui nous entourent. J'essaye de me convaincre – sans y parvenir – que mes tristesses et mes angoisses n'ont aucune raison d'être, qu'elles ne pèsent rien face au miracle permanent d'être en vie.

Mais quel bonheur quand on y parvient ! Alors, s'il vous est arrivé dans votre vie un grand malheur, quelque chose de vraiment très douloureux, et que vous parvenez tout de même à vous réjouir d'être en vie et à vous émerveiller du monde qui vous entoure, écrivez-moi comme cette lectrice l'a fait pour partager votre témoignage et aider les autres lecteurs de Santé Nature Innovation. Je le publierai dans une prochaine lettre.

Cela fera un bien fou à tout le monde, et contribuera à nous faire gagner, collectivement, un très grand nombre d'années de vie… en bonne santé.

A votre santé !

 


Cela fera, parait-il, un bien fou à tout le monde. Ah bon.

 

Moi ce que je lis, en fait, en filigrane de ce message, ce n’est pas de la joie. Ce n’est pas de l’authenticité, pas du bonheur, pas de l’émerveillement face au monde. C’est la recherche d’une fausse authenticité, d’une spontanéité innocente perdue, qui s’exprime au travers d’angoisses inconscientes. Je tiens à préciser que je ne vise pas l’auteur de l’article en personne, que je respecte. Je ne m’en prends qu’à son point de vue, qui n’est pas tellement le sien, mais qui est en fait une ambiance collective exprimée à travers ce mail.

Il y a clairement, ici, la peur de vieillir, de souffrir, de mourir trop jeune, etc. Relisez un peu les termes si vous ne me croyez pas. Il y a aussi des regrets, comme celui d’avoir « perdu » une capacité. Bref. Sous couvert d’un discours positif, d’une injonction suggestive à adopter un comportement incliné au bonheur, il y a en fait des sentiments négatifs qui se cachent d’une manière tout à fait évidente pour moi. C’est en fait exactement en suivant ce genre d’attitude qu’on perd son aptitude à la joie.

Et c’est là où ce message rejoint mes fréquentes critiques de l’idéologie new age. On retrouve dans tous les cas la même injonction à se créer et à se maintenir des illusions en cultivant une vision faussée et infantile des choses, en rejetant le négatif et en acceptant que le positif, cédant en cela à la dualité de l’esprit. C'est-à-dire que cette attitude, cette quête de positif et de bonheur conduit inévitablement au malheur et à l’angoisse. Ce n’est pas en s’occultant la moitié du réel qu’on acquiert la capacité à vivre avec le réel dans son ensemble sans le diviser.

Mon message a pu vous paraître excessivement sombre, mais c’est simplement parce que j’ai choisi pointer certaines conséquences négatives inévitables de notre mode de vie actuel. Je ne dis pas qu’il ne faille pas s’émerveiller, le monde est beau, fantastique même, mais dès lors qu’on se force à le voir comme tel, on sort de son authenticité, on n’est plus en contact avec soi-même. Dès qu’on n’est plus en contact avec soi-même, on s’ouvre aux manipulations et aux illusions. Je commence sincèrement à croire que dans le fond, c’est exactement ce que la plupart de mes contemporains cherchent en fait. Se maintenir dans l’illusion, étouffer l’angoisse et la douleur plutôt que de les apprivoiser, bref, on est dans une démarche de destruction et d’autodestruction, plutôt que d’acceptation. Et c’est cela que je trouve si terrible.

Je n’ai pas de l’intoxication par la publicité sous un angle global, car ce mail me semblait justement fournir suffisamment de matière à en aborder des facettes diverses, très présentes dans l’état d’esprit des masses, mais peut-être m’y aventurerai-je dans un prochain article.

 

Pour finir, je vous propose quelques liens supplémentaires pour approfondir ce problème posé par les ressources et la surconsommation actuelle, pour ce qui concerne l’aspect technologique dont il est largement question dans le mail.

 

Tout d’abord un article sur le livre de Robert Cialdini, « Influence et Manipulation », qui parle justement de la manière dont le marketing abuse de nos comportements automatiques. Comme je l’ai suggéré à travers mon article, notre quête éperdue de bonheur, souvent malsaine, peut facilement nous entrainer dans le conformisme et l’automatisme, qui sont à l’opposé de l’attitude critique et de la vision objective des choses. En croyant poursuivre simplement notre vie et nos besoins, et en rejetant la critique et les points de vue divergents, nous créons un monde de pensée unique dans lequel il devient très difficile d’échapper à la manipulation qui finit par s’inscrire comme faisant partie du paysage. Le fait de citer une vidéo publicitaire au sein d’un site pour illustrer une quête existentielle en donne malheureusement un très bon exemple.

 

http://www.conseilsmarketing.com/livres-de-marketing-gratuits/critique-du-livre-influence-et-manipulation-de-robert-cialdini

 

Saviez-vous que le sable, matière première par excellence, utilisé dans la construction immobilière comme dans l’électronique, devient de plus en plus rare ? Un excellent article qui en explique les tenants et les aboutissants :

 

http://fr.sott.net/article/20862-L-Extraction-de-sable-Un-enjeu-environnemental-et-economique-majeur

 

Un article concernant l’épuisement des ressources naturelles :

 

http://www.interligo.org/index.php/fre/Les-cons%C3%A9quences/L%27%C3%A9puisement-des-ressources-naturelles#

 

 

Enfin, je vous quitte sur une dernière réflexion. Tout le monde sait plus ou moins que les ressources naturelles en pétrole se rapprochent dramatiquement de l’épuisement, et que la production de pétrole va diminuer dans les années qui viennent, dans une mesure qu’on ne sait pas encore établir. Mais il en va de même de la plupart des autres ressources. Le gaz et le charbon finiront par s’épuiser aussi, mais on ignore souvent que les réserves d’or, de cuivre, d’uranium et de divers autres minerais sont également sur le déclin, alors que ces matériaux servent dans de grandes quantités de nos produits actuels. Le cas de la silice est traité dans le lien sur le sable, ci-dessus, mais ce n’est pas un cas isolé, loin s’en faut.

 

Je ne suis pas en train de prôner l’austérité, la dépression nerveuse généralisée, ni un suicide en masse, ou je ne sais quoi. Je dis juste les choses telles qu’elles sont. Personnellement, j’ai conscience de tout cela, et ça ne m’empêche ni de dormir ni de sourire. Si cela vous pose un problème de conscience ou vous démoralise, demandez-vous pourquoi. Est-ce parce que vous savez que vous dépendez entièrement de ces ressources, dans votre mode de vie actuel ? Et si cela ne vous atteint pas, demandez-vous pourquoi également. Est-ce parce que vous n’y croyez pas, que vous vivez dans le déni, ou que vous croyez qu’une technologie miracle, le Dieu Progrès, va forcément nous sauver à temps, ou encore parce que votre croyance religieuse vous protège de l’angoisse consciente ? Moi j’ai choisi de faire face à la vérité. Je sais que le mode de vie dans lequel je suis plongé aura une fin proche, dans les décennies à venir, et qu’il est déjà en déclin. Ça ne me rend pas malheureux, peut-être même au contraire, et pourtant je sais que ce sera dur. Je dis que l’on peut vivre dans le présent tout en se sentant responsable du futur. Cela ne semble pas être un sentiment largement partagé par mes contemporains qui, ce me semble, passent l’essentiel de leur temps et de leur énergie à fuir le désespoir qu’engendre leur mode de vie, à travers des activités secondaires et des espoirs illusoire. Je ne me prétends pas mieux qu’eux, j’essaye juste de montrer que se mettre des œillères ou choisir de demeurer ignorant n’est pas une solution. Je ne sais pas s’il y a une solution. J’aimerais juste partager une époque moins hypocrite, avec des congénères moins aveugles. Ça ne me semble pas si indécent ou si odieux. Ce qui m’est odieux, c’est l’abrutissement ambiant des gens qui s’extasient devant une pub qui manipule leurs bons sentiments, ce qui contribue à les maintenir dans un état de servitude qui les avilit. De vivre dans une époque de jeunisme et d’infantilisme, où l’idéal new age de « garder son enfant intérieur éveillé » équivaut en fait à étouffer une vraie croissance spirituelle, l’émergence d’un âge adulte de l’être qui pourrait peut-être conduire à un amour bien plus vrai, si jamais il survenait.

 

Mais de cela, en contemplant mes contemporains, je désespère. Peut-être devrais-je moi aussi regarder ailleurs et faire comme si tout n’était digne que d’émerveillement.

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