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L'Oeil du Selen
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19 novembre 2015

Le totalitarisme invisible ou l'organisation de l'impuissance Partie I : l'organisation de l'impuissance

J'estime avoir laissé passer assez de temps. J'ai lu toutes sortes de choses concernant les "événements" de la semaine dernière, et j'ai envie de vider mon sac à propos de certains détails, en particulier lever le voile sur certains angles morts assez récurrents parmi les articles et commentaires que j'ai pu lire.

 

J'ai lu des mea culpa, j'ai lu des "je n'ai pas peur", j'ai lu des gens demander la démission du gouvernement, d'autres demander la punition des terroristes, on a même entendu Zemmour appeler à bombarder un quartier de Bruxelles ou même des gens, du haut de leur chaise de journaliste ou de chroniqueur, menacer les djihadistes d'un terrifiant "la peur va bientôt changer de camp". Et bien sûr il y avait les inévitables démonstrations compassionnelles en tout genre, puisque ces rituels sont apparemment incontournables. Y a t-il vraiment besoin de cela pour ressentir, une fois de plus, cette solidarité et cette fraternité si absente de nos sociétés, d'ordinaire ? Je crains bien que oui. Notez que je ne blâme personne. Il y a de quoi être triste, démoralisé, choqué, en colère, même d'avoir peur. La peur est une réaction normale, ce n'est pas de la lâcheté. Par contre l'injonction à refuser la peur est une manœuvre toute politique.

 

Comme ces politiques aiment lancer des guerres sans en référer au peuple, quitte à faire payer à celui-ci le prix du sang, quitte à en passer pour cela par un hymne national haineux parmi d'autres formes de propagandes guerrières, ils ont besoin de faire des appels à l'union nationale et au courage citoyen pour affronter à leur place les conséquences de leur propre politique. Le drapeau aura été utilisé, une fois de plus, pour couvrir un drame bien plus large que celui de Paris. Drame qui risque, qui plus est, de se reproduire par la faute de ces politiques irresponsables et va-t-en-guerre.

 

Quelques uns ont eu des propos plus posés et plus intéressants et se sont rapprochés du cœur du problème. Car le problème ne se résume pas à une errance politique coupable, il est beaucoup plus grave que cela.

 

J'ai lu notamment que la France est l'un des principaux carrefours de formation du djihadisme, c'est à dire que le pays regroupe une majorité des terroristes potentiels sur le territoire européen. Il serait intéressant de comprendre pourquoi, plutôt que de s'étaler en vaines pleurnicheries ou vindictes plus ou moins politiquement correctes qui n'empêcheront pas ce type d'événement de se reproduire. Et même si on les empêchait, momentanément ou totalement, le mal être qui génère ces vocations ne serait en aucun cas vécu, à moins qu'on s'en prenne à sa racine.

 

Voici un article qui a le mérite certain d'aborder cette problématique, et qui date de bien avant les attentats, sur la manière dont les médias ont traité le cas d'Assia, une fugueuse d'origine maghrébine qui avait évoqué le djihad sur sa page facebook au moment de fuir son foyer.

 

http://modernite-totalitarisme.eklablog.com/assia-la-petite-fugueuse-et-la-doctrine-de-la-guerre-revolutionnaire-p1092620

 

Je n'ai à peu près rien à ajouter à cet article (le blog en question contient nombre d'autres articles extrêmement pertinents que je ne saurais que vous encourager à lire), mais j'ai quand même envie de demander : sait-on comprendre ce que signifie une fugue ? Le sait-on encore, l'a t-on su un jour ? Ou bien tout bon sens a t-il définitivement été remplacé, dans l'esprit de mes concitoyens journalistes (et plus), pour être remplacé par un endoctrinement définitif ?

 

La fugue est le signe patent d'un mal-être.

 

Or le mal-être est partout dans notre pays. La France n'est pas seulement le carrefour européen du djihadisme, elle est aussi le plus grand consommateur mondial par habitant d'anti-dépresseurs.

 

J'ai lu quantité invraisemblable d'articles parlant de « nos valeurs », et à l'un de ces articles, j'ai répondu ceci :

 

[Les choses fondamentales se cachent derrière les slogans vides de sens tels que « liberté, égalité, fraternité ». Je veux dire qu’on est tenté de défendre nos « valeurs », mais existent-elles en réalité ? La liberté est un concept philosophique vague que l’on peut définir de tellement de manières qu’on peut prétendre être libre, même une fois incarcéré. L’égalité, bah... regardez les écarts de salaires (entre dirigeants et employés, entre hommes et femmes, le nombre de RMI qu’on pourrait payer avec un seul parachute doré) ou l’accès à la justice (et peut-être bientôt aux soins, au rythme où ça va). La fraternité, bah on ne rate pas une seule occasion de se détester.

Et la solidarité n’est même pas aux frontons de nos mairies.

Quant à la sécurité, elle tend à remplacer tout le reste.

Entend-on parler de ces valeurs dans notre hymne national ? Attendez, je cherche...

« Patrie ... gloire ... sanglant ... égorger ... armes... bataillons ... sang impur ... esclaves ... cohortes étrangères ... mercenaires ... guerrier ... tremblez ! ... parricide ... combattre ... se battre ... cercueil ... orgueil ... venger ... Liberté ... drapeaux ... mâles accents... ennemis expirants ».

Non pas trace. Il était question de liberté, puis à l’instant d’après de drapeaux, donc c’était probablement une malencontreuse erreur de l’auteur. Mais peut-être que ce lexique totalement belliciste, xénophobe et morbide censé exprimer au mieux ce qu’est notre nation s’explique par le fait que la marseillaise était, en fait, non pas un chant révolutionnaire prônant des valeurs morales et des idéaux, mais juste un chant de propagande guerrière nécessaire pour envoyer les « citoyens » à la boucherie. Les « sans-culotte » ne la chantaient pas, au moment de faire tomber la monarchie, et elle n’a été chantée que plus tard, sous la contrainte. Vous avouerez que c’est difficilement compatible avec un idéal de liberté censément fondateur de notre nation.

L’amnésie commence dès ici, dans les premières années suivant la révolution déjà dévoyée et détournée à des profits impérialistes, comme l’ère napoléonienne le confirmera en « surfant » en totale roue libre sur cet élan révolutionnaire déjà détourné de son but premier.

Lorsque l’idéal de « Liberté » avec un grand L est manipulé pour aller envahir d’autres peuples, tout comme aujourd’hui cette doctrine est la doctrine atlantiste (libérer par la guerre), il y a un problème dès le départ, d’autant qu’il n’est jamais question des autres idéaux. Quant à l’idéal patriotique mis en avant par notre hymne, c’est surtout la porte ouverte à toutes les fenêtres haineuses et xénophobes envers les patries des autres (la chanson en question étant un hymne de guerre avant toute chose), et je ne saurais y prêter aucune valeur.

Tolstoï disait que la patriotisme, qui n’est rien que la soumission à un drapeau, c’est l’esclavage, et qu’y a t-il de plus contraire à la liberté que ceci ?

Jules renard disait quant à lui qu’il n’était pas patriote, car au fond de tout patriotisme, il y a la guerre, et George Bernard Shaw disait, lui : « Le patriotisme est votre conviction que ce pays est supérieur à tous les autres, parce que vous y êtes né ».

Parler de nos idéaux aux frontons de nos mairies, bafoués, inexistants, et taire cette sournoise injonction patriotique jamais reniée et pourtant bâtie dans le sang de ce qui préfigurait l’impérialisme napoléonien, c’est avoir raté le train depuis le départ, être resté pour toujours sur le quai de la gare d’une révolution qui a donné la main à ceux qui nous dirigent et qui, aujourd’hui, se permettent d’envahir toutes sortes de pays dans le monde sans en référer à son peuple, qui lui, paye le premier le prix de ce sang.

Tout à l’heure je suis passé devant la mairie de ma ville, où brûlaient des bougies en mémoire des victimes. Des feuilles de papier misérables, coincées sous ces bougies qui souillaient la place de leur cire grasse, perpétuaient ce mythe honteux de notre nation vertueuse, à travers ces trois mots scandaleusement mensongers.

Ça m’a rendu aussi triste que l’attentat, car à cause de cette hypocrisie et de cet aveuglement, il y en aura d’autres, des victimes, et du sang.

Parmi nos idéaux dont on ne parle jamais, n’y a-t-il pas, avant tout, la Paix ? Le respect des autres nations ?

Apparemment, non. Notre nation est bâtie toute entière sur un élan guerrier et des mensonges tentant de le dissimuler.

Lorsque l’on aura fait le ménage dans nos contradictions, nos valeurs pourront retrouver un sens. En attendant nous en sommes réduits à des larmes de crocodile et à toutes sortes d’impuissances.]





Les habitués du blog savent ce que je pense de la réalité de la démocratie dans ce pays : des paroles, rien que des paroles. Nos valeurs sont constamment foulées au pied, et le seront davantage encore désormais, dans une impeccable escalade du sécuritarisme, fuite en avant qui ne résoudra rien et causera davantage de problèmes, alors que notre politique extérieure, son inconséquence, son imbécillité et sa duplicité étant la principale des causes de ces attentats précis.



La principale, mais pas la seule.



Paris sera ainsi bouclé à double tour pendant la COP21 qui prétend sauver la planète, puisqu'on ne sait plus s'y prendre autrement pour protéger des populations, mais surtout, ne nous y trompons pas, l'élite mondiale qui viendra y faire son marché à cette occasion. Il ne faudrait pas que la vitrine soit cassée à ce moment là, ça ferait mauvais genre.



Or cette COP21 est autre signe des temps, comme je l'ai dit dans mon précédent article sur Fukushima. Arbre qui cache la forêt du désintérêt des "puissants" pour l'environnement, derrière là aussi des slogans vides et impuissants, sauf à manipuler l'opinion et à faire croire que quelque chose se passe réellement.



Même en admettant que le climat changerait et que cela serait réellement problématique (ce que je ne crois pas du tout, le problème se situant plutôt dans la surpopulation et le manque de volonté politique à traiter les choses pour de vrai) ce ne serait toujours pas le problème planétaire numéro 1.



Il y a bien d'autres dégâts écologiques prioritaires, mais pas aussi propices à des manœuvres politiques, pour ne pas dire des magouilles. Il y a bien d'autres problèmes sociétaux et civilisationnels, humains, qu'il faudrait traiter.



Le seul mérite de l'hystérie climatique actuelle, à mes yeux, est qu'elle pousse la communauté scientifique à s'intéresser aux phénomènes complexes qui régissent notre monde. Cela débouchera probablement à terme sur des applications passionnantes, sur une prise de conscience autre que la conscientisation superficielle actuelle à base de recyclage et d'idées pieuses à peine assumées qui font le lit d'un totalitarisme hypocrite. Mais cela passera, précisément, par cette phase d'obscurantisme autoritaire fait de leçons de morales et de grandes messes médiatiques sans lendemain, ne servant qu'à faire illusion.



Et c'est précisément une grande partie du problème.



Vous ne voyez pas le lien avec les attentats ? Revenons à cette histoire de mal être.



On sait que l'insatisfaction fait le lit des révolutions, et que celles-ci soient manipulées est un autre sujet. Or le mal-être est l'un des noms de l'insatisfaction.



On trouve des articles pour nous expliquer que seuls 2% des attentats commis en Europe sont le fait d'islamistes, et qu'on les remarque surtout parce qu'ils sont plus violents et plus médiatisés. Rien qui m'étonne dans cela.



http://anticoagulante/decryptage/et-origine-terroristes-commettant-plus-attaques-dans-mondeest-alain-blin-1958758.html



Les séparatistes commettraient davantage d'attentats que les islamistes. Par ailleurs, l'article cite d'autres sources de terrorisme, au rang desquelles l'anarchisme, l'extrême gauche, l'extrême droite, divers groupuscules idéologiques ou identitaires, ou encore des bandes criminelles organisées de différentes sortes.



Qu'ont en commun toutes ces sources de terrorisme ? L'insatisfaction. C'est un trait que partagent les dépressifs, les djihadistes, les rebelles et dissidents en tous genres... et les militants écologistes, mécontents des mesures insuffisantes prises pour préserver l'environnement.



Certains ne s'y trompent pas et le trahissent par des écarts de langage plutôt édifiants :



http://www.slate.fr/story/94045/khmers-verts-djihadistes-verts-ecologistes-modes



Ainsi, si vous vous opposez à la mauvaise gestion environnementale, et décidez que râler dans votre coin ne suffit pas et qu'il faut passer à l'action, vous courez ce risque d'être ainsi stigmatisé et assimilés à des extrémistes religieux. J'y vois personnellement une sorte de lapsus révélateur de la part des instances dirigeantes.



En effet, de tout temps les opposants à un certain pouvoir ont eu à subir ce genre d'amalgame, même s'ils ne commettaient pas d'actes de violence délibérée.



Sachez-le, si vous êtes en colère contre quelque chose, vous pouvez être perçu comme un terroriste. Et dans le rejet des dérives du système, vous pouvez être taxé de "djihadisme". Il y a des gens qui ont peur des mots, et d'autres qui n'ont pas peur de les tordre, de caricaturer jusqu'à l'outrance, voire l'outrage.



Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel est qu'en effet, le militant écologiste a une chose en commun avec l'islamiste radical (qu'il soit terroriste ou non) : son mécontentement au sein de notre société. Et en vérité, ils ont un autre point commun, qui est celui de vouloir promouvoir des valeurs morales à un certain égard. Il ne m'appartient pas, dans cet article, de décerner les bons et les mauvais points, de décider qui a tort et qui a raison, ni dans quelles proportions, mais seulement de remarquer ce point : il y a une montée du mécontentement dans ce pays.



Chez certains, beaucoup et sans doute même la vaste majorité, le mécontentement demeure à l'état de râleries ou d'un état dépressif. C'est à dire que le dépressif retourne la colère contre lui par impossibilité ou incapacité à l'exprimer vers l'extérieur. En cessant d'utiliser sa colère comme d'une énergie motrice, créatrice et potentiellement positive, il s'ampute (momentanément en général) d'un potentiel, et la tristesse ou autres émotions associées viennent prendre la place de la colère.



C'est que notre société, à l'instar de celle du meilleur des mondes d'Huxley, cherche à canaliser et à endormir la colère. L'antidépresseur tenant alors la place du soma du roman d'Huxley. La colère étant dépréciée dans nos sociétés, sa répression conduit potentiellement à ce type d'attitude auto-destructrice.



Chez les autres, elle prend au contraire une forme exagérée, gonflée par sa rétention constante, et finit par exploser, soit sous forme d'un acte criminel, terroriste, soit d'une forme atténuée et souvent institutionnalisée d'opposition à l'autorité, par des manifestations, grèves, marches, et autres.



Christophe Hamelin nous propose sur son blog deux analyses qui touchent de près à ce sujet, au point où nous en sommes arrivés :



http://modernite-totalitarisme.eklablog.com/pourquoi-je-n-ai-pas-participe-aux-manifestations-contre-les-premiers--p886184



http://modernite-totalitarisme.eklablog.com/le-developpement-durable-comme-rouage-du-desastre-p1092626



En effet, les formes institutionnalisées de manifester ou de gérer l'environnement ont montré leurs limites, et pourtant nous continuons à y recourir, et à stigmatiser les approches plus radicales, comme quand les journaux ont titré "Injustifiable !" à propos de chemises déchirées . Vêtements qui appartenaient à des dirigeants d'Air France qui eux, mettent à poil des centaines de salariés. Certes symboliquement, mais les conséquences n'en sont pas moins réelles, avec sans doute bien plus d'impact que ces chemises déchirées sur la vie toute entière de ces victimes de la société capitaliste.



On nous exhorte sans cesse à manifester dans le calme, de manière civilisée, c'est à dire dans les clous de ce que les puissants ont autorisé, c'est à dire uniquement avec des méthodes qui ne les dérangent pratiquement pas.



Il ne semble y avoir aucune issue convenable à l'insatisfaction générale, dans ce pays. Soit vous tombez malade, soit vous faites semblant de tomber malade pour éviter de devenir fou face à un monde du travail schizophrénique et déshumanisé qui broie les personnes. Soit vous tombez en dépression parce que vous êtes au chômage, soit parce que vous êtes seul (deux phénomènes qui progressent dans nos pays), soit parce que vous n'avez aucune perspective pour vous en sortir, ou tout du moins pour vous accomplir. Et parfois, c'est tout à la suite, voire tout à la fois, dans les cas les plus extrêmes. Notre société, notre système – même si certains décrient ce terme qui exprime trop crûment l'aspect essentiellement mécanique de notre civilisation productiviste-consumériste – est un terreau excellent pour l'insatisfaction chronique, la "grogne", en un mot : l'impuissance.



Certains ne le voient pas de cet œil, et entendent bien ne se soumettre ni à la mélancolie fataliste, ni aux marches pacifiques qui font opiner du chef les oppresseurs satisfaits, eux.



Arrivé à ce point, il n'y a plus de "bonne" méthode, puisque toutes sont réprouvées par les dominants et leurs serviteurs embourgeoisés les plus serviles.



Il est bien évident que, selon les milieux dans lesquels vous la chercherez, parmi les classes de dominés, l'insatisfaction est désormais partout. Il y a par exemple l'insatisfaction "petite-bourgeoise"(à défaut d'un meilleur terme), de gens relativement éduqués et sensibilisés aux problèmes sociétaux, et pour certains conscients des enjeux écologiques qui menacent surtout leurs quelques acquis sociaux (quand on y regarde de près) et accessoirement la vie (il y en a qui y tiennent, si si, je vous assure). Et parmi cette liste, il y a l'insatisfaction ouvrière (même si cette classe sociale s'est réduite comme peau de chagrin) qui touche de près à la situation des banlieues.



Inutile de faire un cours de sociologie. Les banlieues sont ces zones urbaines qui, en France, concentrent toutes les humiliations, toutes les haines, toutes les impuissances, toutes les injustices, toutes les rages. Ces zones laissées pour compte, qu'on a su appréhender que par la voie technocratique stigmatisant ces zones en ZUP, ZEP et j'en passe depuis des décennies. Autre forme d'organisation de l'impuissance par le fait d'une incompétence systémique (et une absence de toute vision politique) au plus haut niveau. Était-ce voulu ou pas, on ne saurait le dire, mais quel mal préférer entre l'incompétence et la malveillance, lorsqu'elles mènent aux résultats qu'on voit ?



Mais le pire est à venir, car que voit-on venir pour répondre à ces problèmes ? L'autoritarisme, l'escalade en avant sécuritaire. Croit-on que l'autoritarisme puisse seulement conduire à un assainissement par rapport aux insatisfactions ? Il est clair qu'il va la nourrir, renforcer le désenchantement du monde qui est déjà à son comble. Ce n'est pas d'un manque d'autorité dont ce pays a souffert jusqu'à ce jour, mais d'un manque tragique d'intelligence et de courage, et notamment d'intelligence politique.



Ce qu'il faudrait, ce serait de s'attaquer aux problèmes sociétaux et environnementaux pour de vrai, et non pas en croisant les doigts dans son dos. D'un côté on laisse faire l'immigration, d'un autre on la critique. Parce que le système se nourrit de pauvres (si possible acculturés et fragiles) qui bossent pour rien. Le système a "besoin" de ces pauvres pour pouvoir continuer d'exister. Il est un cannibale sans dents.



D'un côté on remue la planète entière pour la COP21, d'un autre on y bouffera des toasts en matant des films et on y signera des déclarations d'intention sans conséquences (vu que d'autres que ceux qui les signent devront rendre des comptes).



D'un côté l'on s'indigne contre les attentats, d'un autre on poursuit la politique qui a semé les graines de la discorde et du désordre. On cultive la guerre, le passage en force et la provocation, et on s'étonne de récolter la vengeance, la violence et le chantage.



Notre système se donne à chaque instant les moyens de son impuissance, et il ne voit, pour sortir des bourbiers dans lesquels il s'est lui-même baigné avec complaisance pendant des décennies que la surenchère sécuritaire pour détourner l'attention. La question est, là aussi, de savoir si cette impuissance est un calcul, ou une conséquence logique d'une myopie et d'une imbécillité structurelle des politiciens modernes, plus intéressés par les lobbies et l'actionnariat que par leurs électeurs et concitoyens.



http://www.les-crises.fr/david-graeber-le-neoliberalisme-nous-a-fait-entrer-dans-lere-de-la-bureaucratie-totale/



De vision politique il n'y a plus. De place pour l'humain il n'y a plus guère. La technocratie et la bureaucratie, le marché et sa main si invisible qu'on ne la sent jamais, sauf lorsqu'elle signe des plans sociaux, nous ont enfoncés dans un totalitarisme invisible, presque imperceptible, au-delà de nos sens humains, physiques, animaux. Certains crient au scandale, au complotisme, à l'exagération ou à la folie, si vous avancez une telle idée. Leur confiance dans le système ne cesse de m'émerveiller. Ils sont comme des chiens qu'on brutalise, éborgne, mutile, et ils en réclament plus encore. Ils sont insensibles, aveugles, au tort majeur qui leur est fait, car ils ont peur d'être. Ils préfèrent qu'une tyrannie subtile régisse leur vie, quitte à la broyer dans le même mouvement, que de devenir responsables, indépendants, en un mot : dignes.



Car de quoi sommes nous dignes sinon de cette punition que de plus barbares que nous nous infligent, grâce à cette lâcheté ? L'inconséquence ne sauve pas du mal, au contraire, elle le précipite. Mieux, elle en est l'une des conditions.



Alors voilà, c'est ce que je voulais dire. Notre société organise l'impuissance, mais aussi la bêtise et toutes les compromissions et complicités qui permettent cette impuissance. Ainsi, nous ne sommes pas soumis à une forme d'autoritarisme évident, immédiatement visible, mais à une pseudo-démocratie qui en a toutes les apparences mais qui est une cage de verre dorée qui ne parvient même pas à nous faire voir la vie en rose. Les gens sentent le malaise, ils le vivent au plus profond d'eux-mêmes. Certains en meurent, mais la plupart lentement. Malades qu'ils sont de vivre dans un système dément qui a oublié l'humain en chemin, qui gère tout par les chiffres et les statistiques.



Et ceux qui refusent l'impuissance agissent désespérément, se font sauter si c'est le seul espoir qu'il leur reste, pour ne pas devoir continuer à supporter cette société, et lui portent un coup au passage. Je crois sincèrement que la rédemption divine qu'ils attendent, ils n'y croient pas tous, mais ils l'espèrent, puisque c'est le seul espoir qu'on leur a permis d'avoir, au milieu de ce monde décadent et décrépit qui, heureusement, vit sa première phase de ruines à travers les crises ingérables qu'il traverse (économiques, sociologiques et environnementales en particulier).



Ceux-là, on les stigmatise, puisqu'il faut "bien-penser" et rester dans les bornes de l'impuissance décente qu'on a préparée pour nous. Fausse dignité qui prend la place d'une autre...



Pour conclure, à tous les "Je suis Charlie mais je ne suis pas assez engagé pour comprendre dans quelle indignité on essaye de m'enfermer", je voudrais dire : levez la tête, ouvrez les yeux, et regardez les choses en face. Charlie n'a jamais rien respecté, et sa couverture d'hier met une fois de plus fièrement en avant la décadence de cette époque. Ma foi, puisqu'il ne nous reste plus que ça...



Un tout dernier mot pour parler d'une chaîne Youtube. Il s'agit de la chaîne horizon-gull, et en particulier de cette vidéo sur les codes vestimentaires et les messages (certains diront "subliminaux") qu'ils contiennent :



https://www.youtube.com/watch?v=ZvURR83ohcg&index=2&list=PLZUdS2EdDWN7_ysVCWYjiBtfMRwMclVNO



Vidéo qui me parait tout à fait à propos pour conclure cet article et faire la transition avec mon prochain, la deuxième et dernière partie de ce billet, dans laquelle je me pencherai davantage sur la notion de totalitarisme invisible, où nous verrons qu'il n'y a rien de tel qu'une tyrannie dans laquelle le bruit des bottes n'est jamais entendu.





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