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L'Oeil du Selen
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30 novembre 2015

Le totalitarisme invisible ou l'organisation de l'impuissance Partie II : le totalitarisme invisible

 

Nous avons vu dans la première partie comment le système, consciemment ou non, organise l'impuissance, et en particulier l'impuissance des pauvres, c'est à dire des peuples.



En sillonnant le net, et en parcourant les médias officiels, on lit encore aujourd'hui, et en fait constamment, une apologie de notre système civilisationnel. Ce discours est ressassé en particulier par mes contemporains, qui répètent à l'envi que notre société est la meilleure qui soit, et mieux, qui puisse être. Toute critique est vu comme utopisme, à l'aune d'un cynisme qui a gagné toutes les couches de la population, même les plus réprimées. Tout idéalisme est perçu comme gauchisme naïf et dangereux, et en fait tout point de vue critique est dévalué comme portant la graine de l'insatisfaction.



Nous l'avons vu dans l'article précédent, cette insatisfaction est au contraire structurelle de notre époque. Il est ainsi pratique de faire taire les critiques, de les considérer comme oiseaux de mauvaise augure, de tous les mettre dans la case des vulgaires râleurs, et leur réserver le traitement à administrer à toutes les Cassandre.



Il est en effet plus simple de se mettre la tête dans le sable, et de « profiter de la vie » ou du « moment présent », même sans se demander si cette logique de profit, qui est celle par excellence du consumérisme, est bien celle qu'il faut mettre en avant lorsqu'il est question de spiritualité.



Une de mes connaissances me l'a dit : « mais tu n'es jamais content, moi j'ai envie d'être content ! ». Voilà le nœud du problème de la société contemporaine. Même lorsque tout entretient le mécontentement, et en fait surtout quand c'est le cas, les gens veulent être contents. Ainsi ils cultivent en réalité la frustration qui les entraîne dans tous les pièges du consumérisme, en particulier s'y livrer en tant qu'esclaves consentants, pieds et poings liés, et donc de l'entretenir, de le renforcer, de le nourrir constamment, convaincus qu'ils sont par le discours ambiant que rien ne peut surpasser ce meilleur des mondes.



Ils en sont, en fait et tout à la fois, le carburant, la nourriture, la force de travail. Et malheur à qui s'opposerait à cela, qui serait immanquablement taxé de parasite, d'anti-patriote, ou que sais-je encore. C'est que la manne d'esclaves consentants ne manque jamais, tant est exploité le ressort de l'envie, confondu avec le besoin. Parmi ces esclaves vous trouverez de tout : des esclaves fiers de l'être, des esclaves inconscients de l'être (la majorité), des esclaves un peu revêches, et puis des esclaves marginaux, qui ne sont déjà plus tout à fait des esclaves, mais néanmoins des esclaves sous surveillance, maintenus sous la dépendance de systèmes sociaux qui les incluent tout en les excluant. La plupart de ceux-ci sont les « cassos », les cas-sociaux, comme on aime à les appeler pour mieux s'en distancier, pour mieux se tenir hors de portée de leur disgrâce. Ce sont nos intouchables.



 

Définir le totalitarisme



A ce stade il devient important de définir notre sujet. A cet égard, on trouve deux exemples de définitions sur le net, qui sont assez intéressantes.



Larousse nous dit simplement : Système politique dans lequel l'État, au nom d'une idéologie, exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles.



Tandis que Wikipédia s'étend sur diverses considérations, mais dont on peut tirer cette définition de l'introduction :

Le totalitarisme est l'un des principaux types de systèmes politiques avec la démocratie et l'autoritarisme. C'est un régime à parti unique, n'admettant aucune opposition organisée et dans lequel l'État tend à confisquer la totalité des activités de la société. C'est un concept forgé au XXe siècle, durant l'entre-deux-guerres, avec une apparition concomitante en Italie, en Allemagne et en URSS. Le totalitarisme signifie étymologiquement « système tendant à la totalité1. »





La définition de Larousse est donc à la fois beaucoup plus succincte et beaucoup plus englobante, tandis que les contributeurs de Wikipédia s'efforcent d'en circonscrire des limites qui seraient en fait celles de la dictature au sens où on l'entend habituellement.



L'article est cependant étoffé et vous pouvez toujours y jeter un œil, notamment aux différentes définitions qui y sont proposées :



https://fr.wikipedia.org/wiki/Totalitarisme



Vous avez même celle de BHL, voyez un peu si c'est complet... Qui ne conçoit la lutte contre le totalitarisme que dans une perspective contre-révolutionnaire, alors qu'il exploite lui-même l'idéal révolutionnaire pour entretenir, in fine, une autre forme de totalitarisme impérialiste, mais nous y reviendrons. Double-pensée quand tu nous tiens...



Un problème se pose avec ces définitions toutes tirées d'intellectuels (ou supposés tels) qui ont été marqués par les dérives particulières de leur temps, sans percevoir la dimension universelle du totalitarisme à l'ère moderne.



Il est commode, en particulier, que les leçons contre le totalitarisme despotique soient données par un système impérialiste qui prétend parvenir à une emprise totale sur le monde, par le biais du libéralisme consumériste et de l'idéologie qu'il traîne avec lui pour le justifier et le permettre.



Il est bien plus pertinent de relire des livres comme 1984 d'Orwell, Le meilleur des mondes d'Huxley ou Fahrenheit 451 de Bradbury pour comprendre que le totalitarisme n'en était qu'à ses premiers essais dans les dictatures hitlériennes, staliniennes ou encore franquistes, pinochistes, etc.



Aujourd'hui la dictature serait l'apanage de la Corée du nord, de la Chine, ou encore de la Russie, à en croire nos médias.



En réalité, et en dépit des moqueries faciles et superficielles contre ce qu'on nomme le complotisme, je crois au contraire que nos systèmes actuels incarnent par excellence le totalitarisme, mais un totalitarisme invisible.



Ce totalitarisme là n'est pas fait d'autoritarisme, bien qu'il puisse s'aventurer occasionnellement sur cette pente glissante, il n'est pas fait non plus d'un culte de la personnalité d'un dictateur, ni d'une doctrine d'état incontestable. Il n'est pas non plus à parti unique, et ne confisque pas non plus les libertés et activités du peuple. Mais à l'arrivée, le résultat est exactement le même, avec une discrétion hypocrite et pernicieuse, relevant de l'inconscient, des bons sentiments républicains et des plus hautes valeurs, si bien qu'il est impossible d'en fournir une critique sans que cette dissidence ne soit vue comme imbécile, adolescente, superficielle, réactionnaire, naïve, bref manquant de réalisme.



Je ne garde hélas pas tous les liens des articles que je lis, sinon j'aurais pu citer aussi ces propos d'un penseur qui a vécu en occident, en Russie et en Chine, et qui avait observé que des trois peuples concernés, le plus endoctrinés était, de loin et de manière incontestable, le peuple occidental.



J'aurais aussi pu placer ce lien qui prouve que, à l'instar de ce qui se fait dans 1984, et qui est le cœur du totalitarisme, les médias français commencent à modifier leurs archives après les attentats (ou meurtres de masse) du 13 novembre.



Le chien a l'odorat plus développé que l'homme, et à partir de petits signes de ce genre, il sentirait que ça pue très fort au sein de l'empire démocratique. Mais l'homme passe à côté de ces signes sans même les relever, les considère tout au mieux comme des dérives ponctuelles, ce qu'ils sont dans un certain sens. Mais l'accumulation de ces dérives ponctuelles sont le signe d'une plus grande chose : elles dessinent les contours de ce totalitarisme qu'il nous est impossible de voir distinctement.



Il serait facile d'en citer d'autres, comme par exemple la fermeture entamée de certains sites alternatifs :



http://fr.sputniknews.com/societe/20151124/1019765414/france-liberte-expression-presse-libre.html



http://fr.sott.net/article/26864-L-etat-d-urgence-tourne-a-la-repression-des-mouvements-sociaux



Ainsi ce système « démocratique » attend-il la moindre occasion pour réduire le champ de l'information hors mainstream, ainsi que de combattre ou empêcher les moindres poches de résistance que sont les mouvements sociaux, et les reliquats du syndicalisme. Mais tout cela n'est jamais fait au nom de la protection de l'intérêt gouvernemental. Il y a toujours un prétexte. C'est cette dissimulation qui est partie intégrante de l'institution, qui fait que l'endoctrinement n'est nulle part aussi puissant que chez nous, en occident.



Par ailleurs, l'impuissance organisée s'ajoutant à cet endoctrinement entretient un sentiment dans la population que notre système ne peut pas mieux faire de toute façon. Et comme il entretient l'insatisfaction, certains en viennent même à appeler de leurs vœux une dictature authentique, qui aurait au moins le mérite d'être franche, comme ce sondage le fait penser :



http://camersenat.info/sondage-40-des-francais-veulent-le-retour-de-la-dictature-dans-leur-pays/



40% des français souhaitent-ils vraiment l'avènement d'une dictature en bonne et due forme ? Honnêtement j'en doute, mais c'est le message qui importe. Ces 40% correspondent en effet à peu près à la proportion de l'abstention lors de nos élections, c'est à dire que ces proportions se superposent pour profiler la silhouette de l'insatisfaction et de l'impuissance dans un pays comme le mien.



Le fait que la technocratie fasse partie du lot proposé avec cette dictature m’apparaît anecdotique mais intéressant. Dans une société nourrie au sein des experts, il est naturel en effet que des citoyens désinformés et embrigadés pensent que ces experts pourraient à la fois pourvoir à leurs besoins, tout en résolvant une partie des problèmes engendrés par les lourdeurs administratives qui vont de pair avec un système « démocratique » à l'échelle d'un état. Alors que ce fantasme autour des experts, qui sont des humains faillibles comme les autres, est déjà l'une des causes du grand n'importe quoi actuel.



Mais quand on a aucune perspective, on se rabat sur les idéologies qui ont fait « leurs preuves ». Autant celles de leurs réussites que de leurs échecs, le peuple étant entraîne à accepter ces derniers, à les voir comme une fatalité, un moindre mal dans l'imperfection inhérente à tout système humain. Cela fait partie de l'organisation de l'impuissance, tout comme le fait de proposer un tel sondage, car cela n'a rien d'anodin. C'est une proposition faite à des sondés de céder, de se résigner, innocente, mais réelle, qui s'ajoute à un tableau social où tout y pousse déjà.



C'est ainsi qu'on fait le terrain à une dictature, en même temps qu'aux radicalismes, comme je l'ai développé dans la première partie concernant ce dernier point. La masse aura tendance à accepter l'iniquité, et les « cassos » à vouloir tout casser pour recommencer à zéro, et s'ils ne le peuvent pas, au moins sacrifier leur vie à cette cause aura été vécu comme « tout tenter ». Car l'impuissance conduit de manière évidente au désespoir.





Auto-défense contre l'embrigadement



Il n'y a pas 36 choix possibles : soit vous vous livrez au meilleur des mondes, soit vous le combattez, soit vous vous en tenez à l'écart en apprenant à vous en défendre, comme vous le feriez d'une bête féroce ou d'un chef mafieux qui chercherait à régir votre vie et vos opinions.



En la matière, on en revient toujours aux classiques de Chomsky, par exemple.



https://www.les-crises.fr/auto-defense-intellectuelle-contre-la-fabrication-du-consentement-noam-chomsky/



Je l'ai souvent cité ici, mais je m'arrêterai quand même sur ces passages (mais tout est dit dans le lien, allez donc le lire si vous ne connaissez pas encore Chomsky) :



« L’endoctrinement n’est nullement incompatible avec la démocratie. Il est plutôt, comme certains l’ont remarqué, son essence même. »

« La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures. »



En effet, puisque dans une démocratie on n'est pas censé exercer la violence (ça fait fuir le client, ça donne une mauvaise image), on la remplace par un lavage de cerveau à très grande échelle, utilisant toutes les techniques et connaissances liées au marketing et à l'idéologie bernaysienne dont il a déjà été question plus d'une fois dans ce blog.



L'endoctrinement est, en effet, l'essence même des systèmes dits démocratiques. Croire que les médias vous fournissent tous les éléments pour vous permettre de vous forger une opinion éclairée, subtile et complexe à propos du monde est une illusion.



L'idéologie occidentale s'étale à chaque coin de rue, d'une manière encore moins discrète que les portraits des « pères du peuple » dans les dictatures « à l'ancienne ». Les slogans sont partout, mais ils ne sont pas que politiques, ils sont surtout mercantiles. Dans les rues, lors de périodes d'élections locales, le système vous fournira simultanément le choix entre plusieurs partis (ayant chacun leurs slogans), et entre plusieurs dentifrices (ayant chacun leurs arguments commerciaux sous forme de slogans). Ces partis, comme ces dentifrices, sont tous plus ou moins les mêmes, à quelques nuances et quelques composants près. La démocratie ne vous force qu'à une seule chose : choisir parmi des propositions quasi-identiques. Choisir ou ne pas choisir est alors la question, et on en revient à notre sondage sur la dictature d'au-dessus, et au « problème » de l'abstentionnisme, qui n'en est un que parce qu'il révèle la nature fausse et insuffisante de la démocratie.





Le totalitarisme économique



Nous vivons en fait dans un totalitarisme plus extensif que tout ce que nous avons connu, et dont la nature repose sur une vision bien précise de l'économie. Il s'agit d'une idéologie non neutre, mise en place par des choix politiques, par un volontarisme puissant, mais présentée comme telle (neutre), et même présentée non pas comme une idéologie, mais comme le fait accompli, la seule direction à suivre pour être en compatibilité avec la vie elle-même, avec la nature de l'humain.



Puisqu'il n'y a pas d'autre voie possible, nous nous situons dans un absolutisme totalitaire par excellence. C'est à dire un système sans contrepoids. Je donnerai en fin d'article un lien vers une conférence d'Alain Badiou qui développe ce point, et en particulier celui de l'échec du communisme en tant que contrepoids de la démocratie à l'occidentale, c'est à dire le libéralisme devenu absolutiste par absence d'adversaire visible. Il y explique également comment cela nourrit le ressentiment, l'insatisfaction, et donc participe à l'organisation de l'impuissance et du désespoir dont je parle ici.



Ce totalitarisme invisible est fait de fabrique du consentement, d'ingénierie sociale, bref d'embrigadement, et à ce stade il est intéressant de revenir à la définition du totalitarisme proposée plus haut.



D'après Larousse : Système politique dans lequel l'État, au nom d'une idéologie, exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles.



J'affirme que l'état, par exemple français, au nom d'une idéologie capitalo-libérale, exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles.



Personne, en effet, ne peut échapper totalement au système, et à ce titre, les critiques désemparées du style « Si tu es cohérent, alors débranche ton ordinateur et va vivre dans la forêt ou dans une grotte ! » sont parfaitement tristes et ridicules. Et ces gens savent bien que leur injonction est intenable, et c'est pourquoi ils la formulent. Leur but est en réalité de réduire leur dissonance cognitive à l'égard d'un système qui les emprisonne sans qu'ils parviennent à l'admettre. C'est en réalité une injonction tournée envers eux-mêmes, destinée à renforcer leur propre foi dans un système qui les ignore. Cela répond à un besoin de reconnaissance non assouvi, et impossible dans un tel système, qu'ils essayent donc d'exercer par eux-mêmes. Une sorte d'onanisme douloureux et conflictuel, mais d'onanisme quand même. De la complaisance dans la soumission, à défaut de plaisir dans celle-ci.



Nul n'a la capacité pleine et entière d'échapper au système à moins, en effet, d'aller mourir dans les bois, ou de se transformer en ermite. Gardons à l'esprit qu'il s'agit d'une relative nouveauté dans l'histoire humaine, qui s'est construite et renforcée au fil des siècles, et qui atteint aujourd'hui son paroxysme. Il n'existe plus, en France, d'endroit sauvage où vous pouvez prétendre échapper à la civilisation. Cela peut exister dans certains pays aux grands espaces, comme le Canada ou la Russie, mais qui serait assez fou pour passer de la vie d'esclave amolli de la société de consommation à la survie au jour le jour dans les steppes ou les grandes forêts ? Nous ne savons pas faire, car nous avons été éduqués à un mode de vie particulier, et sommes de fait tous dans des degrés divers de compromission à l'égard du système dominant.



Mais bien plus que cela, nos activités mêmes nous sont proposées ou dictées par le système dans lequel nous vivons. Nous pouvons certes en choisir ou en refuser certaines (boire ou non en terrasse... ?), mais il en va de même dans toute dictature. Il n'existe aucune dictature qui ait les moyens de contrôler 24/24 chaque citoyen, et tout ce qu'on leur demande est de ne pas porter atteinte aux intérêts du régime, assorti de quelques contraintes servant surtout à démontrer et renforcer cette soumission.



Nous, on ne nous enjoint pas de démontrer une obéissance. On nous permet même d'exprimer une désobéissance, dans un cadre bien contrôlé qui régule en fait les limites de la soumission. Ce que nous appelons « liberté » est simplement un enclos un peu plus large. Sortez-en et vous ne serez pas traité très différemment d'un individu vivant dans une authentique dictature. Mais il est vrai que, selon certains, nos prisons seraient de vrais hôtels de luxe... Toujours cette intéressante contradiction qui subsiste dans la tête de certaines personnes entre l'idéal démocratique, et la réalité de leurs pulsions inhumaines. Pulsions que l'un des mérites de nos systèmes demeure de canaliser.



Reprenons maintenant différents points de la définition proposée par Wikipédia :

 

« Le totalitarisme est l'un des principaux types de système politique avec la démocratie et l'autoritarisme. »

 

Défini par l'occident, le totalitarisme serait à la fois distinct de la démocratie et de l'autoritarisme. Voilà qui est intéressant. Il me semble d'une part que l'autoritarisme apparaît plutôt comme une forme particulière, un glissement, de la démocratie ou de la dictature. Et d'autre part comme je l'ai déjà expliqué, que le totalitarisme est également un glissement de l'autoritarisme ou de la démocratie. C'est à dire qu'autoritarisme et totalitarisme sont plutôt des mutations d'un autre système. En revanche peut-on dire que la démocratie peut-être une mutation des autres formes ? Il me semble plutôt que, dans ce cas précis, on ne va vers la démocratie que par la révolution.

 

Cela signifierait que l'on peut glisser de la démocratie vers la dictature, sans nécessité révolutionnaire. Le coup d'état actuel visant à réduire les libertés en France (limiter la taille de l'enclos), en démontre la possibilité, au moins en matière d'autoritarisme. En ce qui concerne le totalitarisme lui-même, il faut pousser l'analyse plus loin, en prenant une autre partie de la citation :

 

« C'est un régime à parti unique n'admettant aucune opposition organisée et dans lequel l’État tend à confisquer la totalité des activités de la société. »

 

Nous avons déjà vu que, par la force des choses, notre système régit chaque aspect de nos vies, à un certain degré. Reste le point sur le parti unique, et là... certes nous avons un choix entre des parties, mais que vaut ce choix ?

 

La critique sur le net est déjà virulente à l'égard de ce qu'on appelle, en France, « l'UMPS », fusion idéologique entre les tendances de l'UMP et du PS, les deux principaux partis jusqu'à cette année. Est-il besoin de démontrer à quel point ces deux partis sont unis dans un consensus mous autour du libéralisme économique ? Ils ne divergent que sur des points de détail sans grande conséquence, et je n'ai nulle envie de perdre mon temps à démontrer une telle évidence.

 

A la place d'un parti unique, nous avons donc le choix entre blanc bonnet et bonnet blanc.

 

« C'est un concept forgé au XXe siècle, durant l'entre-deux-guerres (...) »

 

C'est un concept dépassé.

 

« Le totalitarisme signifie étymologiquement « système tendant à la totalité ». »

 

Voilà bien le point nodal du problème. L'absolutisme libéral actuel prétend à la gestion des affaires complètes du monde, il fournit à tout un chacun une idéologie prête-à-porter, un moyen de subsistance (le salaire, qui n'est qu'une forme politiquement correcte et revue de l'esclavagisme disparu il y a seulement quelques décennies, et encore), des divertissements, bref c'est un colis complet qu'il vous faut prendre dans son ensemble ou dépérir dans votre coin, à défaut d'être envoyé dans un goulag.



Tout n'est certes pas noir, mais tout est-il si rose qu'on veut nous le faire penser ? Il y a beaucoup de marge à la critique d'un système qui pousse les gens au désespoir, à la dépression, au suicide, voire au meurtre de masse par le suicide. Nous avons un système totalitaire souriant, un absolutisme pourvoyant à tous les besoins, en inventant même pour augmenter ses profits, qui couvre tous les aspects de nos vies, allant jusqu'à s'insinuer dans notre psyché pour mieux la déformer, en remplacer des pans entiers. Ce système ne permet ni ne propose aucune alternative digne de ce nom, et même les détruit ou les réduit au silence.



Et concernant chacun d'entre nous, il nous réduit à l'impuissance, allant jusqu'à nous ôter la capacité de percevoir son omniprésence quasi « big brotheresque » dans chaque aspect de nos vies. Nous croyons que c'est normal, et en le croyant, nous acceptons de nous crever les yeux, et de devenir aveugles à ce totalitarisme plutôt que de pouvoir le reconnaître comme tel.



La condition de l'évolution passe d'abord par la reconnaissance qu'il y a un problème, puis par l'acceptation de ce problème, puis par le fait de penser une issue à ce problème. Certains ont entamé cette démarche, mais il faut être lucides, beaucoup sont encore loin de pouvoir le faire. Lorsque moi, ou quelqu'un d'autre, critique le système, il lui est demandé de proposer des solutions. Comment cela serait-il possible ? La solution ne peut être que collective, car si elle est individuelle, elle se traduit par les actes désespérés que nous avons connus chez nous ce 13 novembre, mais qui, en réalité, ont déjà lieu depuis longtemps un peu partout sur la planète, et plus particulièrement dans les zones déstabilisées politiquement.



Il convient alors et en premier lieu de s'interroger sur les conséquences non seulement de nos politiques mais de nos modes de vie. On doit faire un état des lieux avant de déménager. On doit porter un regard lucide et attentif sur nos façons de vivre et ce que nous devrons éviter à l'avenir, sans quoi nous referons les mêmes erreurs, comme l'homme a tendance à le faire. On dit que l'histoire bégaye. C'est parce que l'homme ne réfléchit pas. Il veut des solutions avant d'avoir compris des problèmes qu'il se refuse à analyser. Forcément, on tourne en rond.



Je vais en terminer ici, mais non sans fournir deux derniers liens pour approfondir la réflexion. Tout d'abord la conférence d'Alain Badiou s'interrogeant sur les attentats récents (qu'il qualifie de meurtres de masse), et le comment notre idéologie et nos modes de vie actuels encouragent de telles atrocités :



https://vimeo.com/147061687



Et enfin sur un article de l'excellent site dedefensa, toujours dense en idées intéressantes sur la critique du système.



http://www.dedefensa.org/article/je-veux-rentrer-en-syrie



Il y est question de l'opinion d'une « migrante » sur ce qu'elle a découvert chez nous, je cite :



“Ce n’est pas une vie lorsque vous rentrez dans une chambre et qu’il n’y a pas de télévision. Il y a juste un lit, pas de casier, pas de vie privée” [...] “Nous allons rester dehors car nous ne voulons pas manger cette nourriture, et nous ne voulons pas rester dans cette chambre. Nous fuyons notre pays à cause de la situation, et maintenant nous vivons dans une prison. Peut-être que nous devrions rentrer dans notre pays”.



L'article décrypte cette réaction et je ne vais donc pas me lancer ici sur une paraphrase, je dirais simplement ceci : cette jeune femme a tristement raison. Notre mode de vie est carcéral, de l'école jusqu'à la tombe, et si nous trouvons, dans l'intervalle, quelques heureuses libertés à travers les voyages et les loisirs, cela rattrape-t-il cette absence fondamentale de liberté ? Car il y a une différence entre les petites libertés dérisoires que nous avons, comme de boire un verre en terrasse, aller voir des concerts, voyager à travers le monde (pour ceux qui en ont les moyens et qui demeurent une minorité qui vit aux dépends des autres, faut-il le rappeler?), donner notre avis sur tout et n'importe quoi, etc, et la vraie liberté. Celle qui consiste, dans le cadre d'un mode de vie quel qu'il soit, à pouvoir se déterminer en tant qu'être, à pouvoir avoir conscience de ce que c'est que de vivre, plutôt que d'être accro à des faux besoins qui sont en fait des dépendances, c'est à dire tout le contraire de libertés. Ces gens qui vivent dans des pays pauvres ne sont pas moins libres que nous. Ils ont juste moins d'opportunités, et des chaînes différentes. Mais ils ont un avantage sur nous : ils savent ce qu'est la vie. Nous qui voulons exporter, imposer, notre mode de vie partout, nous avons déjà perdu le contact avec cela. Croire que nos addictions à des petits plaisirs est une liberté est vraiment le comble de l'occidental où la décadence est devenue une valeur appréciée et désirée. Il n'est pas très étonnant qu'une partie du monde nous déteste, à bien y regarder.



Pour en finir avec cet article :

http://www.sarahroubato.com/publiesdans/lettre-a-ma-generation/

« Lettre à ma génération : moi je n’irai pas qu’en terrasse », par Sarah Roubato.



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