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L'Oeil du Selen
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20 avril 2016

De la responsabilité en démocratie

Il est de bon ton de dire qu'en temps de crise, il est nécessaire de se serrer les coudes, mais surtout de s'en remettre au chef. Que toute requête individuelle est à ranger dans un carton jusqu'à la fin de la crise, afin que le groupe puisse œuvrer sereinement à la difficile tâche de remonter la pente ou de trouver une issue quelconque à la situation.

 

Avec ce précepte de sens commun, qui est sans doute également de bon sens dans un grand nombre de cas, nous avons une excuse toute trouvée à la déresponsabilisation des populations dans les démocraties modernes, qui sont comme par hasard perpétuellement en crise.

 

Le peuple étant tenu éloigné des prises de décision par la crise globale aux rebonds sans fin (un nouveau méga-rebond semble d'ailleurs se préparer pour très bientôt), il est indéfiniment tenu en otage par ses chefs, ses « élites ».

 

Si le précepte était juste, nous devrions, en toute logique, sortir de la crise un jour ou l'autre. Comment expliquer alors que les krachs, crashs et autres cataclysmes économiques se succèdent depuis plus d'un siècle, presque deux ? L'une des premières grandes crises de l'histoire de la civilisation industrielle étant intervenue bien avant 1929, au cours du 19e siècle.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_boursi%C3%A8re_de_1825

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_de_1857

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_du_18_septembre_1873

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_de_1893

 

On essaye encore de nous faire croire que la crise est un phénomène nouveau, inexplicable, surprenant. C'est un phénomène inhérent au capitalisme financier, ou financiarisme capitaliste, comme disent certains. On ne sait plus comment tourner sa langue dans sa bouche pour qualifier le grand banditisme légal néolibéral, mais ce qui est un fait, c'est que ces crises ont toutes des origines similaires : la spéculation et les malversations financières à finalités « égoïstes ». C'est lors de la crise de 1893 que JP Morgan devient l'un des financiers les plus riches et influents de la planète, tout ça pour qu'en 2008-2009, la banque en rapport se retrouve de nouveau aux cœurs de la crise, du mauvais côté de la balance, cette fois.

 

Ainsi, l'on voit que ce banditisme financier et bancaire, paré de toutes les vertus modernes, est à l'origine et à l'arrivé de toutes les grandes crises de la société industrielle, qui est également la société militaire, et la société financière, le tout formant un ensemble.

 

Ces derniers jours, je me suis pris à rêver d'un monde où les vrais fautifs de ces situations qui engendrent et maintiennent le chômage et la précarité dans nos pays, et la misère et la faim dans l'ensemble du monde, soient tenus responsables de ce qu'ils sont. Dans les faits, on en est loin. Le chômeur est tenu responsable de sa condition, à cause de la fainéantise qu'on veut bien lui attribuer, le pauvre est quasiment un salaud qui ose réclamer plus de répartition, quant à l'enfant travailleur du tiers-monde, il est la dernière variable d'ajustement du système.

 

Les décideurs, dans tout ça, lorsqu'ils se trouvent confrontés aux conséquences de leurs actes peu réfléchis (ils sont si loin des conséquences qu'ils peinent à les considérer) se disent « responsables mais pas coupables ». On pensera par exemple à la vieille affaire du sang contaminé en France, où l'on se demandait surtout si l'on pouvait être « coupable mais pas responsable ».

 

Il en va ainsi du problème de la dilution de la responsabilité, qui est un phénomène sociologique qu'il est bon de connaître. On le rencontre notamment dans « l'effet du témoin » :

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_du_t%C3%A9moin

 

Le phénomène fait que les gens se sentent peu concernés par ce qui les entourent, surtout si cela se passe loin, et même si cela se passe sous leurs yeux, lorsque plusieurs autres personnes peuvent observer les faits. Cela fonctionne a fortiori lorsque des faits sont soumis à des millions de téléspectateurs, ou lorsque des dizaines de décideurs sont impliqués dans un processus : chacun considère qu'il n'a que sa part de responsabilité, même si les conséquences, pour les victimes, sont les mêmes.

 

Cela est à mettre en parallèle avec la tendance générale à tout gérer, et surtout les populations, par des statistiques. L'état est gouverné sur la base de principes généraux et de totaux, principes au nombre desquels on trouve des concepts aussi divers que le PIB ou la santé publique. On ne gouverne plus que par les grands nombres, on considère la croissance, le niveau de vie moyen d'une population, mais on est devenus incapables de considérer les individus, dans un monde qui se dit et se décrie lui-même comme « individualiste ».

 

Il ne faut pas oublier que la population de la planète a approximativement quadruplé en un siècle, et cela explique sans doute en grande partie cette dérive déshumanisante. Les villes sont très – trop – denses pour permettre un minimum de bien être, et ce n'est pas pour rien que les gens fuient à la campagne. Ainsi se tiennent-ils davantage à distance de la foule, mais aussi des événements qu'ils ne savent plus affronter, au sein de cette masse.

 

Certains diront que « l'abstentionnisme » est un autre résultat de cette tendance, et c'est sans doute vrai. Mais il faut plutôt, à mon sens, le considérer comme un effet secondaire de la dérive première : puisque les « élus » (et leurs corollaires, installés dans l'état sans s'être frottés aux suffrages) sont irresponsables et ne tiennent plus jamais aucune de leurs paroles, à quoi bon continuer à les élire ?

 

Puisque j'en suis là, quelques mots sur un non-élus amené à prendre des décisions :

 

http://www.panamza.com/260814-macron-usa/

 

Avec un autre article qui y fait écho :

 

https://avecuny.wordpress.com/2016/04/13/le-reve-humide-des-editorialistes-un-ciudadanos-francais/

 

Et tant que j'y suis, parlons de la suspicion de Meyssan au sujet de la « nuit debout », car il est toujours intéressant d'avoir différents point de vue, qu'on y accorde crédit ou non :

 

http://fr.sott.net/article/28051-Nuit-debout-une-autre-revolution-de-couleur

 

Mais revenons à la déresponsabilisation, et observons ce fait, parmi d'autres, qui dessine la situation actuelle :

 

http://fr.sott.net/article/28062-Les-rats-quittent-le-navire-des-milliers-de-millionnaires-fuient-Chicago-et-d-autres-grandes-villes-dans-le-monde-dont-celle-de-Paris

 

Une illustration de la gestion des populations, ici 3000 travailleurs, à distance, derrière le filtre de systèmes de surveillance et d'observation, ce qui permet de distancier encore plus la portée humaine et affective des décisions prises :

 

http://fr.sott.net/article/28061-Big-Brother-3-000-salaries-de-Sanofi-equipes-d-une-puce-RFID

 

On se demandera avec un peu d'anxiété s'il faut voir un rapport de cause à effet dans le licenciement de 600 salariés (20% de la masse salariale dont il est ici question, des personnes, des individus, rappelons-le). On ne s'étonnera en tout cas pas que, contrairement à ce que certains disent, un surcroît de technologie aille de paire avec une diminution de la part humaine.

 

Et puisque nous sommes sur ce sujet, je rebondis sur la novlangue qui qualifie les mouvements grévistes et en détournent le sens et les implications :

 

http://www.les-crises.fr/lexique-pour-temps-de-greves-et-de-manifestations-par-henri-maler-et-yves-rebours/

 

Et puisque nous parlions de déshumanisation et de déresponsabilisation des élites, voici un exemple illustratif de plus :

 

http://www.les-crises.fr/quy-a-t-il-derriere-le-mur-de-silence-occidental-sur-la-glorification-de-la-collaboration-nazie-en-leurope-de-lest-par-dovid-katz/

 

A partir du moment où plus aucune faute grave, voire gravissime, ne peut réellement être imputée à un décideur (leur impunité est notoire et de plus en plus proche d'un absolu), il est prévisible qu'on en parvienne à de tels extrêmes. Certes, la déresponsabilisation s'observe aussi chez les « masses », les « citoyens », bref, à l'échelle de l'individu lambda, mais elle est accentuée en réponse à la déresponsabilisation de ceux qui sont censés détenir la plus grande part de celle-ci, alors qu'on en observe aucune conséquence. Les crimes de guerre deviennent une norme camouflée sous des monceaux de propagande et de novlangue, de même que les magouilles de base sont devenus le fonctionnement de base, chez les décideurs ayant le moins de censure morale. Nous en sommes même venus à légitimer le nazisme, sur la base d'un cynisme politique inqualifiable. Il s'agit certes d'une légitimation passive, mais elle n'en est pas moins réelle, dans le sens que ses conséquences se font sentir. Le fait de mentir par omission est devenu l'une des techniques préférées des élites : il suffit de noyer les populations sous des tonnes d'informations inutiles, dérisoires et si possibles infantiles et donc infantilisantes, et tout ce qui n'est pas dit n'est pas remarqué.

 

Puisque les élites ne sont jamais tenues pour responsables, il fallait encore éliminer le danger d'une contamination par les intermédiaires. Dans le cas du chômage par exemple, il est important que le chômeur n'ait jamais en face de lui ni un élu, ni un administrateur (l'intermédiaire), mais uniquement un salarié de son niveau, à une strate sociale et hiérarchique où la responsabilité est totalement diluée.

 

En clair, lorsque vous vous rendez (ou contactez) à un bureau administratif quel qu'il soit, vous avez en face de vous une image miroir de vous même (si vous faites partie de la classe populaire, j'entends par là les 95%) qui n'a aucune prise sur les décisions ou les événements, et qui ne peut au mieux qu'être victime de votre infortune, que vous manifesterez par l'impatience, voire la colère, parfois la menace.

 

Il est instructif que les halls de la CAF préviennent désormais que toute insulte ou menace envers un employé fera l'objet de poursuites : les rats ne se mangent qu'entre eux, tout en bas de l'échelle sociale, et tout au plus pouvez-vous exiger à d'autres rats qu'ils fassent produire devant vous un « responsable ». Ne jamais avoir directement accès à un « responsable » est l'une des clefs du fonctionnement déshumanisé et désaffecté de la société moderne. Si vous ne pouvez reprocher directement à un responsable ses fautes et manquements, ses supérieurs que sont les élus et hauts fonctionnaires ne peuvent pas non plus être touchés par contamination, et la ronde des sacrifices humains symboliques de masse peut se poursuivre dans la plus totale impunité, dans le plus total sentiment d'innocence cynique de la part de nos élites qui font, certes, au mieux, surtout pour préserver leurs privilèges et leur tranquillité, voire leur sécurité, quand la situation devient vraiment explosive.

 

Loin de moi l'idée de vouloir engendrer une détestation sinon une haine de mon prochain, à travers cet article. Je pense que la plupart font réellement de leur mieux, mais ce que je déplore c'est qu'actuellement, chacun fait surtout de son mieux pour fermer les yeux sur les conséquences de nos dérèglements systémiques. La norme n'est pas à l'intégrité morale, mais au cynisme rampant qui fait que « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs » soient dans le top 5 des proverbes illustrant notre époque. Même les médecins ayant prêté serment ne suivent plus les préceptes de base tels que « d'abord ne pas nuire ».

 

Mais bref, je ne m'étalerai pas trop sur le sujet, je crois que l'idée est passée. Je reviens le temps d'un lien sur quelque chose dont j'avais reparlé dans mon précédent article :

 

http://fr.sott.net/article/28045-Panama-Papers-complot-americano-sorosien-Tant-pis-si-effet-boomerang-il-y-a

 

Donc voilà, il est (ou devrait être) de notoriété publique désormais que George Soros est de tous les mauvais coup visant à préserver le système et/ou attaquer ses opposants ou ceux qui ne jouent pas le même jeu que lui, ou alors dans l'autre camp. Le tout en se cachant derrière des fondations pseudo-philanthropiques qui sont la honte de notre époque, et je tenais à ne pas rater cette occasion de le rappeler.

 

Sur ce, je conclus rapidement en disant qu'il est important de prendre conscience des dérives pernicieuses en rapport avec la notion de responsabilité, car cela permet d'expliquer beaucoup de choses, sur notre planète surpeuplée et gouvernée par le « 1% » comme il est devenu coutume de le dire. Et puisque les inégalités se creusent, que les millionnaires sont de plus en plus nombreux, tout comme les très pauvres, il y a fort à parier que cela s'accentue, avec les inégalités qui vont avec. Et la prochaine fois que vous aurez un problème avec une administration (mon cas en ce moment, soit dit en passant), et si vous ne l'avez jamais fait, demandez-vous qui sont les différents responsables, et comment les responsabilités sont réellement ou illusoirement diluées entre eux, et jusqu'à quel niveau de la société. Posez-vous par exemple la question jusqu'à Soros, les faucons néocons, les membres des Young Leaders, les invités de Bilderberg et jusqu'à BHL qui ne tolère pas qu'on l'assimile à ce dernier groupe, quand bien même son influence sur le monde n'est pas meilleure (les libyens lui disent encore merci!). Cela vous donnera une idée du caractère Kafkaïen de la chose, et du monde dans lequel nous sommes contraints d'essayer de nous en sortir.

 

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