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L'Oeil du Selen
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5 juillet 2016

La fabrication des idéaux

 

Je me sens parfois comme un jardinier qui, avant d'accéder à la noble tâche de rendre son jardin productif, doit d'abord s'éreinter à l'élimination des « mauvaises herbes ». Quoique puissent en dire certains, tout jardinier sait qu'il y a un minimum à faire, de ce côté là. Alors je me retrouve à aborder des sujets que je n'aime pas, qui me donnent l'impression de me salir, de faire des redites, de m'embourber dans les sujets qui fâchent, alors que mon désir réel est celui d'un monde plus haut, plus humain, plus respectueux, fait d'amour, de beauté, de vérité et de lucidité face à la complexité des choses, aux mystères du vivant et de l'univers.

 

Mais comment voulez-vous qu'on avance, lorsque le monde humain est perverti par ses instincts, ses affects, et une raison mal maîtrisée, mise au service des vices des deux premiers ? Alors il faut bien avancer en terrain miné, ne jamais cesser de dénoncer les dangers que représentent le scientisme, la bigoterie, le sentimentalisme (ou l'affectivisme), les aspects puérils de la pensée magique, en somme tous les conditionnements dont nous faisons l'objet et dont il serait trop long de lister tous les effets néfastes, voire infiniment destructeurs sur l'humain, mais aussi son environnement.

 

On citera au hasard, pour la forme, l'eugénisme, l'acharnement thérapeutique, le rejet de la mort, l'industrie nucléaire, ou encore le consumérisme comme dérives produites par le techno-scientisme, et nous pourrions faire de même pour les autres catégories citées.

 

Mais cela ne s'arrête pas à une énumération basique de maux, car une fois que ces choses ont prouvé à tous leurs effets toxiques, elles donnent lieu à d'autres idéaux qui s'y opposent avec la même force, et qui finissent par devenir tout aussi toxiques.

 

Ainsi le scientisme aura-t-il donné lieu au mouvement new age, qui rejette sans discernement la science, tout en recherchant sa caution, et l'eugénisme aura-t-il produit, par la frayeur qu'il causa, et par l'effet d'autres idéaux religieux préalablement ancré, un culte des martyrs juifs, au mépris même des autres victimes de l'extermination qu'étaient les tziganes, homosexuels, handicapés, et j'en passe.

 

Ainsi les idéaux – car l'eugénisme en était un parmi d'autres – naissent les uns des autres comme la moisissure et la vermine sur la charogne, quand ils ne sont pas guidés par une pensée éclairée, mais orientés par des croyances, des peurs, celles-ci pouvant être à loisir amplifiées ou même créées de toutes pièces par la propagande. Et le jardinier de devoir trier ce qui est vraiment comestible, au milieu de ce bazar que la masse prend pour argent comptant.

 

C'est qu'il suffit de rendre n'importe quelle chose, voire n'importe quelle horreur, désirable, pour que l'ignorance s'en empare, pour combler son vide intrinsèque.

 

Et pour rendre quelque chose désirable, il suffit d'utiliser une autre chose désirable pour la poser en analogie. Les possibilités sont nombreuses, tant il suffit de puiser dans les réserves de la libido humaine au sens large (c'est à dire pas uniquement sexuel, mais dans la liste de tout ce que nous pouvons trouver beau, agréable, positif, bref de tout ce que nous aimerions posséder).

 

Il suffit pour cela de s'inspirer de ce que la publicité produit et utilise pour elle-même : le corps de la femme, le pouvoir, l'espace (le territoire), l'innocence enfantine, la richesse, la gloire, la reconnaissance, la confiance, tout ce qui est beau en général (la nature, encore une fois le corps, certaines textures étudiées par le marketing, etc.), et j'en passe.

 

La publicité telle que nous la connaissons, on le sait, a été forgée par Edward Bernays et ses disciples, et il est sans doute temps de fournir ici l'un des exemples les plus frappants des manipulations originelles inventées par celui-ci.

 

https://herveryssen.wordpress.com/mars-2013-les-rois-de-la-propagande-edward-bernays/

 

Ainsi, Edward Bernays mit d'abord ses compétences manipulatoires au services des gouvernements et des industriels du tabac. Faisant d'une pierre deux coups, il favorisa par son travail l'expansion du marché du tabac en même temps que la mise à disposition des femmes à la société de consommation. Ce qu'a accompli Edward Bernays, c'est ni plus ni moins de transformer l'aliénation des femmes en une autre, et nous avons appelé cela le féminisme.

 

Par cette réussite, Bernays permettait à la société de consommation, en utilisant un idéal (la liberté), de bénéficier d'un doublement du marché, et au marché du travail de bénéficier d'un afflux prolétaire concurrentiel énorme, une aubaine formidable pour les femmes, dit-on, dont on observe aujourd'hui les effets mitigés, dans une société où l'on se suicide au travail si l'on en a, que l'on soit homme ou femme. Autant pour la libération, quand Bernays a également poussé des gens à s'engager dans la guerre. Et ne parlons pas de la cigarette, dont on faisait croire aux gens – et aux médecins – à l'époque, qu'elle était médicinale...

 

La même chose en vidéo, avec images d'époque :

 

https://www.youtube.com/watch?v=lfifGrBmeRg

 

Sur l'instrumentalisation de l'émancipation de la femme, on pourra également entendre Aaron Russo, qui a longtemps (tout comme moi) tenu une position assez conventionnelle et favorable à celui-ci, avant qu'un ami haut placé lui fournisse une autre version des choses, épurée du vernis marketing de la chose :

 

https://www.youtube.com/watch?v=f1I6vZ3OCk0

 

Une version qui est sans doute bien plus proche de la vérité – même si on se méfiera de certains excès du propos – et qui montre que, là aussi, il s'agissait d'une campagne financée par des intérêts qui n'avaient rien à voir avec le bien être des femmes, et tout à voir avec une libéralisation sans frein de toutes les couches de la société, permettant de soutenir la destruction de certaines valeurs éducatives et leur remplacement par d'autres, plus arrangeantes. Combien vont continuer à croire après cela que nous avons à faire à une élite qui se soucie dans son ensemble sincèrement de notre bien-être, et du bonheur des femmes ? Bien sûr, il ne s'agit pas de l'élite dans son ensemble : il faut bien saisir qu'une partie de l'élite crée les « valeurs », et que l'autre les adopte, comme nous les adoptons, sans nous en rendre compte, et c'est ainsi que, de fil en aiguille, des instigateurs jusqu'au bout de la chaîne, tout le monde tient le même discours, adopte la même pensée unique, et l'on s'étonne que les journalistes et les politiques soient de mèche alors que, comme nous, ils ont été conditionnés au départ – et le virage féministe avec la scolarisation anticipée n'a pu naturellement qu'y aider – à accepter les mêmes idées comme des évidences.

 

En vérité, le matraquage médiatique n'est qu'un rappel d'une vaccination idéologique qui a été effectuée bien plus tôt, sur tout le monde, durant toute notre jeunesse. Dans ce contexte, l'événement du Brexit, avec des jeunes qui se montrent beaucoup plus crédules, et des journalistes quasi unanimes à dénoncer le vote, prend des allures d'évidence. Pour moi c'était en tout cas tout à fait prévisible, même si c'est facile à dire a posteriori.

 

 

 

Avec cette mécanique bien rodée, ou chacun se fait le rouage consentant de cette machine démente et aliénante des temps modernes – en référence à Chaplin, pour être carrément explicite – il n'y a rien d'étonnant à trouver les mêmes mécanismes derrière chaque faux idéal de notre temps, comme les luttes anti-racistes, par exemple, avec éventuellement des nuances. Par exemple, se montrer contre le racisme n'a que des avantages : cela permet de diaboliser qui n'entre pas dans cette forme de pensée unique, mais aussi de diviser l'opinion de manière binaire sur des sujets comme le racisme, l'anti-sémitisme et l'islamophobie, comme je l'ai déjà longuement abordé dans une série d'article récente. Cela permet de se désigner comme étant dans le camp du bien, du progressisme, et ainsi contenir paradoxalement le peuple de ses velléités d'agressions ou de défiance anti-élite, pendant que celui-ci se retrouve divisé entre lui-même par ce genre de chamaillerie pathétique. Tout cela étant part, bien entendu, d'une volonté de maintenir ce peuple dans un état d'infantilisation, qui renforce la force paternaliste de l'élite, artificiellement.

 

A cet égard, j'avais fortement envie de citer cet article :

 

http://www.legrandsoir.info/brexit-quittons-cette-europe-dont-les-tares-ont-atteint-des-dimensions-effrayantes.html

 

Si j'en suis d'accord avec les grandes lignes, j'en citerai notamment ce passage :

 

« L’Union invoque le rôle des partis racistes et xénophobes dans le triomphe du « out » britannique. Belle manière pour occulter sa propre responsabilité dans cette débâcle. Elle oublie un peu vite que ces courants politiques sont, non seulement au Royaume-Uni, mais dans toute l’Union européenne ses propre créatures. »

 

Point que j'ai en effet moi-même soulevé dans un autre article, sur le clivage gauche droite servant à instrumentaliser les passions populaires, pour ensuite dénoncer le populisme de l'adversaire. C'est qu'il faut bien qu'à un moment, quelqu'un s'adresse à ce peuple tant méprisé, ce troupeau ignare et crasseux qui ne comprend que le poujadisme et ne sait fonctionner qu'à la carotte. S'il est vrai que je fustige moi-même souvent la bêtise et la passivité de ce peuple, je lui reconnais une chose, pour en faire partie moi-même et le fréquenter, il est moins affligé de bêtise profonde, en vérité, que l'élite qui prétend le guider. C'est que ce peuple a un avantage sur ses « représentants » : il est intégré dans le monde, par la force des choses, et non illusionné par les mondanités ou étouffé par le lobbying intensif (qui devrait être interdit totalement) dans lesquels baignent son « élite » parfois au moins aussi inculte que lui-même.

 

« Démagogie, racisme, xénophobie, islamophobie et identité nationale sont les ingrédients essentiels utilisés par les classes dominantes pour mieux détourner les classes populaires des vrais problèmes qui les rongent au quotidien : chômage de masse, précarité, destruction des services publics, suppression progressive des libertés privées et publiques etc. Ces thèses nauséabondes remplacent en quelque sorte le vide des programmes des gouvernements et des partis qui les soutiennent. »

 

On ne saurait dire mieux comment cette classe utilise les bas côtés de l'autoroute politique pour mieux parvenir à bon port, en prenant de vitesse un peuple largement préoccupé par le travail, le chômage, en d'autres mots la nécessité de survivre, mais contraint d'en chercher les causes dans toutes les diversions qu'on lui fournit, que sont les vexations autour de l'immigration, et les pseudo-causes qui leur répondent, et qui se situent au même niveau de bassesse, en une certaine manière, en ce sens que les promoteurs de l'anti-racisme, lorsqu'ils sont au pouvoir, sont les mêmes qui tirent un profit de la division du public entre racistes et anti-racistes. Dans tous les cas, distribuer des leçons de morale sans lutter contre les causes qui nourrissent ces problèmes est particulièrement vain.

 

« Les intérêts des oppresseurs et ceux des opprimés sont irrémédiablement antagonistes. C’est une illusion de croire que l’Europe, telle qu’elle est construite, va se métamorphoser par on ne sait quel miracle en une Europe démocratique, sociale, solidaire, écologique et tutti quanti. Cette idée de vouloir réformer l’Europe de l’intérieur est non seulement erronée mais dangereuse. Rester dans l’Union et la zone euro pour les réformer de l’intérieur ne peut que prolonger encore la souffrance que connaissent aujourd’hui des millions de travailleurs européens et consolider un peu plus la dictature du capital. »

 

Autre passage qui rejoint complètement ce que j'ai déjà maintes fois écrit sur ce blog, et que je ne commenterai donc pas.

 

La conclusion de l'article me paraît en revanche un peu béate, notamment le passage sur le progressisme, mais passons. On se référera à mon précédent article sur les clivages politiques pour une réflexion sur le progressisme.

 

 

J'en viens à ma propre conclusion, qui s'inscrit dans la lignée de ce que j'ai dit depuis quelques semaines : dans notre société, toutes les causes, qu'elles portent sur les minorités, l'environnement, l'humanisme, sont toutes, sans exception, minées par des manipulations plus ou moins grossières, qui visent à faire diversion en même temps qu'à faire croire que notre élite est préoccupée par les problèmes de son époque, quand tout ce qui est mi sen œuvre dans les faits n'aboutit qu'à accentuer cette fracture entre les classes, et à accroître sans cesse le contrôle du peuple par les puissants. Certes, le ver était dans le fruit depuis longtemps, et cela je l'ai toujours dit, mais nous atteignons aujourd'hui des proportions gravissimes dans ce problème. Il est temps que ceux du peuple, et en particulier ceux qui se disent ou s'estiment « citoyens », terme galvaudé s'il en est, s'éveillent à la nécessité non pas de prendre parti aux calculs politicards, mais au contraire à s'en distancier absolument pour prendre en main leur destin, et pour cela se saisissent des informations qui sont à leur portée, en cessant de diminuer celle-ci et de la rapporter benoîtement à un discours complotiste. Rien de ce qui est dit dans ce blog ne procède d'un discours délirant, tout n'y est que pesé, rationnel, et certes personnel, mais aussi objectif et factuel que possible. La méconnaissance que les individus ont d'eux-mêmes, et de la puissance des mécanismes de marketing, de propagande, bref d'ingénierie sociale, les rend beaucoup plus vulnérables qu'ils ne veulent bien le croire à ces procédés. Ils sont, en vérité, si mécanisés dans certains compartiments de leur esprit, qu'ils n'ont quasiment aucune autonomie pour déconstruire les discours et les idées qui leur sont assénés, de sorte qu'ils les répètent comme des perroquets, en prenant souvent, au choix, des airs d'humanistes conscientisés, ou de militants lucides et méthodiques, soucieux de donner l'exemple. Donner l'exemple de quelqu'un qui se soumet aux injonctions du système de ne pas faire de vagues, de haïr profondément les « casseurs », est le meilleur moyen de se contenir dans une obéissance sans borne. Derrière l'apparence d'une sagesse, d'un comportement mesuré, adulte et raisonnable, se dissimule les fils d'un marionnettiste trop heureux d'avoir là son idiot utile idéal. Un « opposant » au système, qui, croyant rebâtir les fondations de l'intérieur, le consolide pour ses chefs. Malheureusement, le courage de la dissidence intelligente manque beaucoup à ces timorés en quête d'un chef irréprochable qui n'arrivera jamais. Et permettez-moi de me laisser aller à cette façon de donner des leçons – certes – mais je n'en puis plus moi-même de ne voir se constituer aucun réel groupe d'opposition conscient des véritables dérives, et de recevoir moi-même des leçons de sagesse de ce type de personne là, qui ne font rien avancer du tout, ou alors à une vitesse 1000 fois inférieure au système qui – rappelons-le – triche sur l'autoroute de la politique politicienne, et a donc toujours plusieurs longueurs d'avance sur cette forme de « militantisme » démissionnaire qui choisit de se cantonner dans les limites qu'on lui impose, et donc se stérilise nécessairement dans sa compétition contre un tricheur multi-récidiviste, qui lui ne s'interdit aucune manœuvre, même aux yeux du public. A cet égard, le cas d'Hillary Clinton, sur laquelle tout initié du monde politique reconnaît qu'elle devrait être inculpée tant les infractions sont évidentes, nombreuses et graves, mais n'a quasiment aucune chance de l'être, est plus qu'éloquent, et je finirai sur ce lien, en vous souhaitant une bonne lecture :

 

http://www.dedefensa.org/article/notes-sur-la-communication-bouffe

 

 

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