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L'Oeil du Selen
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12 mars 2019

Une révolution intérieure, partie 2/3 : le culte des faits, de l'orthodoxie et du simplisme

 

La raison pour laquelle je tiens à conduire cette réflexion jusqu'à un certain terme, c'est dans l'espoir peut-être illusoire de ne plus y revenir, pour enfin passer à autre chose. Nous verrons bien si ce sera le cas, mais lançons-nous...

 

La première chose qui me vienne à l'esprit est que, lorsqu'on tient un blog, on ne connaît pas la plupart de ses lecteurs. Cela implique un minimum de volonté de convaincre tout un chacun, et donc de revenir sempiternellement sur des choses déjà dites et sur des arguments déjà donnés. Je suppose que cela est d'autant plus inévitable que je ne tiens pas un compte de tout ce que je dis sur ce blog, que je ne suis pas quelqu'un de particulièrement organisé, et donc cela fait obstacle à ma volonté de dire les choses une fois pour toutes sans y revenir, les ressasser, les reformuler, etc.

 

Je suis donc souvent revenu à l'assaut sur les problèmes sociologiques liés à la science ou aux médias, par exemple, et je vais le refaire une fois de plus ici, en espérant pousser ma réflexion plus loin. Car après tout, si je pousse mon sujet un peu plus loin à chaque fois, alors les répétitions ne sont plus aussi vaines et lassantes... Bref.

 

 

Ce que je déplore aujourd'hui est peut-être du à un problème de perception du à internet (qui ne peut pas avoir que des bons côtés non plus). Ainsi, j'ai déjà expliqué que le véritable problème qui se pose aujourd'hui, par exemple autour de la question du féminisme, n'est pas du au féminisme en tant que tel, qui demeurera toujours en soi un combat respectable, mais au fait qu'internet met en avant des points de vue divergents et dissonants sur ce genre de thématique, tout en mettant toujours plus en avant les personnalités les plus bruyantes, les plus extrêmes et finalement les moins subtiles et les moins intelligentes, et que cela discrédite entièrement des causes. Ainsi le fait que les causes contre le racisme ou contre le sexisme, ou encore pour le végétarisme, soient aujourd'hui prises en otage par des obsédés et des fous qui tiennent le haut du pavé tient un grand rôle dans le fait, non seulement que ces causes ont tendance à être décrédibilisées et à agacer le monde, mais aussi dans le fait que certaines de ces thématiques ont acquis, sans fondement, un véritable statut universitaire qui a poussé, par exemple aux USA mais aussi de plus en plus chez nous, la théorie du genre sur le devant de la scène où, comme le féminisme instrumentalisé par Bernays dans les années 30, il permet de faire écran à des thématiques finalement bien plus importantes. Ainsi, pourquoi la cause de la femme serait-elle plus importante que la question de la condition de tout humain dans un système déshumanisé ? Pourquoi la thématique féministe vampiriserait-elle une thématique qui, en réalité, la servirait, et servirait plus largement l'ensemble de l'humanité ? Je crois que ce genre de détournement et de manipulation a quelque chose d'intentionnel qui a pour but et pour effet de désamorcer des combats.

 

Il serait important par exemple de comprendre pourquoi et comment le marxisme a desservi sa propre cause en combattant ses alliés objectifs parce que ces alliés défendaient des thématiques annexes et connexes. Mais j'avais déjà parlé de cet écueil du militantisme qui aboutit à ce que tout combat finisse par être desservi par la quantité d'énergie que l'on y met... Une compréhension ou une intuition profonde chez moi qui explique que je préfère articuler des idées entre elles qu'en faire des chevaux de bataille...

 

Ainsi un ami belge me faisait remarquer avec une certaine pertinence à mon avis que la prochaine révolution sociale en France se verrait ravie par une thématique annexe d'importance anecdotique en comparaison. Regardez par exemple comment on a essayé de détourner l'attention du mouvement des gilets jaunes avec des questions aussi diverses que le mariage pour tous, l'antisémitisme, la violence policière dans les banlieues, le racisme, le féminisme, ou encore l'immigration. Autant de sujets qui sont bien plus connexes qu'opposés ou antagonistes, certes, mais on trouve toujours quelqu'un pour agiter les antagonismes bien plus que les connexions. C'est toujours par cette porte que les militantismes pénètrent dans la place, détournent un mouvement de sa substance et en récupèrent l'énergie, souvent pour... construire un nouvel échec encore plus grand.

 

La volonté d'arriver à ce résultat n'est pas toujours délibérée, mais cela arrive. La manière, notamment, dont on mélange en ce moment des problématiques apparemment liées mais en réalité très diverses autour d'une accusation d'antisémitisme des gilets jaunes est particulièrement parlante, puisqu'on y trouve mêlées les questions de l'antisémitisme lui-même, mais aussi et surtout de l'anti-judaïsme, de l'antisionisme, de la conviction anti gouvernement israélien actuel, et j'en passe. Déjà que l'on confond les juifs comme membres de la communauté juive, comme croyants et/ou pratiquants dans la religion juive ou encore comme habitants de l'état d'Israël (ou il n'y a pourtant pas que des juifs), voilà un bel exemple de sac de nœud d'où on fera émerger selon les besoins des idéologues, des extrémistes et d'autres idiots en tous genres qui diront tout et son contraire. Ça permet de discréditer le mouvement, et surtout d'occuper et détourner l'attention, car toutes les occasions sont bonnes pour des manipulations idéologiques et politiques, instrumentaliser tel ou tel sentiment ou impulsion, etc.

 

Quoiqu'il en soit, vous ne trouverez quasiment jamais personne pour faire une analyse de fond, le terrain étant constamment occupé par des idéologues et des extrémistes (souvent institutionnels et institutionnalisés, genre BHL), pendant que l'on dénonce l'extrémisme ambiant, celui-là même qui est organisé, mis en avant et mis en scène...

 

Mais tout cela se rapporte finalement à mon propos de fond sur la manipulation de masse, dont je viens que de donner quelques autres illustrations. Le vrai sujet est plutôt qu'aujourd'hui, tout sujet est pris en otage par des castes qui s'érigent en autorité. J'ai parlé dans la première partie de la science, et j'y reviendrai, mais terminons d'abord sur les médias.

 

 

Fake news, fact-checking, debunking, complotisme et autres tours de prestidigitation médiatiques

 

Tous ces chiffons rouges régulièrement agités depuis quelques temps dans le milieu médiatique ne sont rien de plus que cela : des manières de détourner et occuper l'attention. Lors d'un débat sur internet, quelqu'un me soutenait qu'il s'agissait aussi de bien plus que cela : l'ultime stratégie d'une élite médiatique pour se conserver à sa position, c'est à dire en haut du pavé.

 

C'est bien possible qu'il s'agisse d'un calcul, mais je crois bien plutôt qu'il s'agit d'une simple conséquence mécanique de la dynamique actuelle qui s'élève contre les médias officiels, qui fait face à un bulldozer surpuissant en la matière de l'opinion publique qui se construit elle-même sur internet, par une sorte de processus d'auto-éducation, comme un retour par la porte de derrière de l'éducation populaire qu'on avait voulu reléguer dans l'oubli.

 

Inutile de débattre ici sur chacun de ces termes, cela a déjà été fait abondamment sur ce blog, et j'y reviendrai lors de la troisième et dernière partie. Tout ce que je veux dire, c'est que j'ai acquis un profond dégoût pour ces anglicismes et l'idéologie qu'ils cachent très mal.

 

Déjà, cette pseudo rigueur anglo-saxonne qui s'immisce par force jusque chez nous n'est rien de plus qu'un énième avatar de la propagande officielle essayant de se laver sous les eaux aseptisées d'une pensée qui serait factuelle et scientifique dans son essence. Le retour, par le biais des médias, de ce culte scientifique pour une prétendue vérité qui serait au-delà de l'interprétation, de la littérature, du subjectif. Un culte des faits.

 

Il est intéressant que cela apparaisse simultanément avec les premiers signes d'émancipation des populations vis à vis de la « narrative » imposée par les médias détenus par les oligarques. Pendant longtemps, ces oligarques pouvaient donner l'illusion d'une neutralité et d'une diversité de par le fait que, le terrain des idées étant totalement déserté par un peuple tenu à distance par une ignorance organisée et une indifférence construite sur le socle du désespoir, les journaux de ces oligarques pouvaient faire semblant de s'opposer en défendant les intérêts de tel ou tel milliardaire face à tel autre, en tenant des discours de pseudo-gauche et de pseudo-droite, défendant tous des manières subtilement différentes d'appliquer le néo-libéralisme, selon les préférences de chaque privilégié détenant des pans entiers des médias.

 

Mais ce rapport de force a changé avec internet, et avec lui la nécessité d'acheter de plus en plus grosses portions des médias, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à prendre. Une fois cette étape atteinte, le rapport de force effectue un virage à 90° qui du coup oppose la population aux détenteurs des médias et aux « élites » qu'ils défendent. Le faux clivage gauche droite disparaît quasiment pour montrer le véritable clivage : celui du peuple démuni contre les privilégiés, détenteurs du pouvoir et du pouvoir d'influence. Une lutte quasiment perdue d'avance pour ces derniers, qui n'ont pour l'heure aucun moyen de récupérer leur monopole, et se retournent du coup vers les réseaux sociaux pour leur reprocher leurs « excès » et les censurer, puisqu'ils ne peuvent pas tout bêtement les racheter... trop chers, trop puissants... ironique revirement de situation, qu'une branche du capitalisme soit devenue tellement hors de contrôle qu'elle met en péril le reste du monde capitaliste, sans véritablement vouloir empêcher cela, puisque le capitalisme n'est que l'autre nom civilisé pour « loi de la jungle ». Les « winners » du système actuel sont, par la force des choses, opposés par des intérêts au reste de la faune de cette jungle, et jouent sans le vouloir le rôle de trouble-fêtes dans ce système... D'où le fait qu'on s'en prenne à Zuckerberg et que celui-ci fasse semblant de s'excuser, tout en continuant pareil ce qui l'a conduit dans la situation où il se trouve... pourquoi changerait-il une stratégie qui l'a porté là où l'on sait sous prétexte que d'autres sont mécontents ?

 

Puis il n'a qu'à appliquer le même artifice que les autres : mettre en place un pseudo outil de contrôle de la vérité, de lutte contre les fake news, et le tour est joué, son honneur est sauf et il en devient de nouveau inattaquable. Pareil pour Google et compagnie. Un petit coup d'éponge sur les fake news un peu trop visibles sur le moteur de recherche, et c'est réglé. Ou comment ce mécanisme se retourne une seconde fois contre ses créateurs...

 

Résumons : le debunking et le fact-checking sont du nettoyage de réputation, tout comme les accusations de fake news ou de complotisme sont du souillage de réputation. On ne joue que sur l'image, en prétendant jouer sur le fond et sur les faits... Parce que c'est ce qui, aujourd'hui, est si important pour l'opinion publique et la population générale : l'apparence de vérité, le fait que quelque chose soit apparemment convaincant bien plutôt que juste.

 

Quand je vous disais que la science n'avait jamais perdu ses lettres de noblesse... Bien au contraire, elle sert aujourd'hui bien plus que jamais de caution à n'importe quelle idéologie, à n'importe quel arbitraire, pourvu que celui-ci revête les habits de la méthode scientifique et de sa prétendue garantie d'irréfutabilité, de justesse, de vérité, de « factualité ».

 

 

 

La science comme tribunal des faits

 

J'y arrive enfin... car aujourd'hui, encore plus qu'une simple religion, qu'un banal culte, la science a un statut qui va au-delà du sacré traditionnel, en ce sens que l'on importe les méthodes de la science dans tous les domaines que l'on peut, y compris jusque dans la politique et les médias.

 

Cela m'exaspère au plus haut point.

 

Mais mon sentiment sur cela n'a que bien peu d'importance, même si ce sentiment est motivé par le fait que cette sur-sacralisation de la science n'a que pour pendant que sa désacralisation. La science est tellement partout qu'elle n'est plus nulle part, à force de servir de caution à n'importe quel abus politique, à n'importe quelle manipulation du langage, à n'importe quel babillage sur youtube.

 

 

Le plus fort est que lorsque vous vous habituez à fréquenter, disons le discours scientifique à défaut du milieu, fermé sur lui-même comme une secte de pratiquants dans ses labos et ses centres, vous rencontrez un système d'une forte solidité et d'une grande cohérence dans le domaine sémantique et méthodique, capable d'auto-justification, très souvent d'une très grande indulgence envers lui-même, tout en étant prodigue en méthodes rhétoriques et dialectiques dont la fonction est bien plus d'éviter la dissonance cognitive que de permettre l'avènement qu'une quelconque vérité supérieure : la science actuelle produit bien plus des techniques et une surabondance de textes que des résultats probants et utiles à toute l'humanité, au-delà de l'apport d'objets technologiques finalement relativement inutiles tout en étant fortement addictifs.

 

On redécouvre chaque jour 1000 façons de couper le beurre, sans qu'en plusieurs décennies on ait mis en avant quelque chose qui, à part internet (qui n'est qu'un réseau), ait réellement changé notre façon de voir le monde où d'être en relation avec lui. On a découvert le feu, puis l'écriture, mettons l'électricité, et puis... à part ça, rien que des techniques. La maçonnerie, l'imprimerie, la réfrigération, tout cela a changé notre relation à l'environnement, mais pas notre compréhension du monde. Quant au nucléaire...

 

Nous ne comprenons qu'un peu mieux la structure et la dynamique des choses... mais cela suffit visiblement à établir un culte du savoir, de la méthode scientifique. Ne nous a-t-elle donc apporté que du bon ? La dépendance au pétrole, à l'énergie nucléaire, aux différentes techniques qui permettent l'exploitation des ressources... c'est donc seulement ça la science ?

 

Mais non, c'est bien plus. C'est un outil de légitimation. Un prétexte même à l'exploitation dont il est question, et qui, pour l'exploitation et la transformation des ressources, exige celle de l'être humain lui-même. Et tout ça pour sortir des produits de consommation et légitimer la société qui va avec, ainsi que les idéologies fallacieuses qui la permettent.

 

Une religion : la structuration d'un schéma idéologique auto-justifié, permettant le maintien d'un ordre social. Avec ses dogmes, ses mythes et ses chefs. Qu'on me montre que la science est bien autre chose que cela...

 

 

Et l'obédience à ce culte est permise par des techniques de manipulation du langage et de la psyché qui n'ont rien à envier aux pires sectes, puisque celle-ci fait cela bien plus efficacement et à bien plus grande échelle.

 

Ainsi, celui qui est totalement formaté à la religion scientifique a-t-il appris à maîtriser divers outils, et à composer habilement avec ses dissonances cognitives.

 

Ainsi, on lui apprend à « penser contre lui-même ». Outil suprême de pensée critique que chacun devrait manier très simplement, mais que le disciple de la science demande surtout à autrui d'appliquer. Et pourquoi seulement autrui ? Parce que lui sait déjà. Appliquant déjà la sacro-sainte méthode et la pensée critique qui va avec, il est déjà arrivé. Il se doit, en bon prosélyte, d'apprendre à autrui à se convertir soi-même à cette divine approche.

 

Beaucoup ajoutent, légitimement et pour se défendre, qu'ils appliquent pourtant cette foi envers eux-mêmes, et que c'est précisément ce qui leur permet de la recommander à d'autres, comme celui qui ne mange pas et n'a jamais mangé, disons du porc (mais j'aurais pu dire du chevreuil ou du lapin, pour éviter de connoter mon propos, mais je suis taquin), sait que son approche est incomparable avec la manière de vivre de celui qui en mange. Il le sait parce qu'il le sait, parce qu'il applique ce qu'on lui a dit comme on lui a dit, et il voit que c'est bon pour lui. Nul ne doit donc ne pas pratiquer la pensée contre soi et la pensée critique.

 

Je suis plutôt d'accord, mais rien n'interdit de voir plus loin... J'y viendrai.

 

Cette montée des debunking et fact-checking qui abondent sur internet, comme youtube et ailleurs, se fait dans le sillage d'une remontée de la zététique, qui a eu l'occasion de faire ses preuves sur ce terrain. Il est vrai que certaines théories débiles comme la terre plate ou le trucage cinématographique des missions Apollo lui ont fourni un sacré terrain d'entraînement, renforçant sa légitimité et sa probité aux yeux de tous ceux qui acceptent effectivement d'exercer leur esprit critique, mais aussi de toutes sortes de croyants d'un autre genre qui n'attendaient que d'être convaincus que la « Bible » est vraie, c'est à dire que la parole scientifique est vraie, et donc indubitable et sacrée. Une victoire sans gloire – difficile de s'enorgueillir de vaincre au M16 des papous avec des lance-pierres – mais qui a eu ses effets...

 

Comme je l'ai dit, j'ai relayé pas mal de ces choses sur mon blog, parce que je ne trouvais pas inutile ou contre-productif de donner parole à des gens qui ont un discours sensé, pertinent, et qui ramènent à quelques vérités : un combat contre l'obscurantisme ne peut pas être mauvais.

 

Sauf quand ses vainqueurs favorisent en fait un obscurantisme à un autre degré.

 

J'ai eu mes démêlés avec ce type de personne, plus une certaine lucidité à observer leur façon de faire et de discourir.

 

Avec l'arrogance de l'assurance, le disciple de la science ne se rengorge pas des certitudes que pourtant il nourrit, ni même de la solidité de sa science et de sa méthode, mais il s'enorgueillit de, finalement, ce manque de courage, de prise de risque qui consiste à se cacher derrière la rigueur de la science pour ne s'aventurer nulle part ailleurs. On cite Popper ou Kuhn pour rendre plus bénins les changements de paradigme ou admettre que la science est davantage fondée sur la réfutabilité que sur la preuve, mais on se refuse à sortir de l'enclos que laissent pourtant apercevoir ces idées, et qui implique un monde bien plus large au-delà.

 

Le « respect » dont font prétendument preuve les tenants de la science pour tout ce qui ne rentre pas dans cet enclos est en fait plein d'une incroyable condescendance, parfaitement comparable à celle d'un missionnaire en terrain conquis qui explique au sauvage que non, la terre qu'il voit n'est pas plate et que les dieux auxquels croient ses ancêtres depuis cent générations n'ont aucune forme d'existence. On n'hésitera pas à monter des démonstrations de toute pièce pour arriver à démontrer ces « faits », comme par exemple discréditer tous les crop-circles dans leur ensemble en montant un canular isolé qui aboutira davantage à ridiculiser des crédules qu'à démontrer quoique ce soit. J'ai dit à l'époque de ce canular que c'était sans doute une expérience instructive, et qui aura d'ailleurs eu pour effet positif de « décapiter » plusieurs charlatans qui s'étaient servi de ce crop-circle comme de bien d'autres auparavant pour asseoir leur influence dans un milieu new age peuplé de crédules livrés en pâture à un obscurantisme à l'ancienne, et je ne reviens pas sur ce propos.

 

Ce que je déplore avec ce type de méthode est que cela a donné lieu a une flopée de vidéos sur cet événement, dont une partie était intéressante, mais dont l'essentiel n'aura servi qu'à nourrir ce nombrilisme des geeks qui ont organisé ce coup, et dont l'attitude s'est montrée finalement bien plus toxique que productive.

 

Ils ont prouvé qu'il y avait des charlatans autour des crop-circles. Non... Sérieux ?

 

Encore une fois, je ne dis pas qu'il ne fallait pas le faire, mais on pouvait aller plus loin. Cette expérience aurait pu servir, bien plus que de leçon à quelques escrocs, et de spectacle malsain à un public qui ne demandait que quelques bouc-émissaires à moquer bêtement et indéfiniment, à discuter des limites de la rationalité par exemple.

 

Or, la majorité, je dirais même la plupart, en fait tous sauf un youtubeur parmi tous ceux que j'ai regardé, ne s'est servie de cet événement que pour se renforcer, nourrir son fameux biais de confirmation et asséner des « vérités » et des leçons à propos du charlatanisme.

 

J'ai fait cela, un peu, dans les débuts de mon blog, quand je m'attaquais à quelques escrocs particulièrement dégueulasses qui récupéraient les sagesses amérindiennes, par exemple, parce que cela me touchait et me scandalisait. Je comprends que des tenants de la science soient agacés par les escroqueries grossières, et je trouve que leur canular était fondé et avait un certain sens. Seulement, si ce n'était que pour faire du sur place au lieu de défendre une véritable cause, disons l'esprit critique, et pratiquer cette cause, alors c'est vraiment une occasion perdue.

 

Pourquoi si peu se sont-ils servis de cette expérience pour parler de l'esprit critique, dire qu'un canular ne prouve pas la fausseté de tous les autres crops ? Il aurait pourtant suffi de pas grand chose, et sans se compromettre... Par exemple j'aurais applaudi si quelqu'un avait dit que, peut-être que tous les agroglyphes sont faux mais que cela reste à prouver par des méthodes plus larges et plus rigoureuses. Qu'en attendant, il est permis de supposer qu'il en existe d'authentiques.

 

Au lieu de cela, on a laissé planer une incertitude pratique autant pour les sceptiques que pour les escrocs, en se disant qu'on restait sur une victoire pour la pensée critique et l'hygiène mentale. En fait, on a renforcé certains escrocs et victimes d'escrocs dans un sentiment d'opposition, et par dessus le marché, ceux qui savaient déjà que beaucoup de crops sont faux n'auront rien appris et auront seulement ri sur le dos d'autrui. Une idée intéressante qui tourne au minable, et une preuve supplémentaire que la pensée critique s'arrête aux limites d'une certaine bienséance permettant l'exercice ambigu d'un obscurantisme déplorable, des deux côtés de ce champ de bataille.

 

J'ai entendu toutes les mauvaises excuses pour ne pas pousser l'expérience plus loin. Ces gens, c'était un paquet de chaînes youtube mises ensemble, au moins 4 ou 5 je crois. Ils pourraient analyser d'autres crops, soit pour prouver leur fausseté, soit pour montrer la similarité entre le leur et celui-là, et ils pourraient même « recruter » des gens pour le faire à leur place. Si j'avais du temps et un véhicule pour ça, je me porterais candidat, quitte à découvrir qu'ils sont vraiment tous « faux ». Au lieu de ça, j'ai juste été utilisé comme spectateur parmi tant d'autres d'une opération d'humiliation qui n'a servi à rien d'autre... C'est bien beau de sortir des vidéos youtube à la chaîne, comme le créateur de ce canular le fait, et de prétendre ensuite que « il n'a pas que ça à faire » de continuer l'expérience... C'était un pavé dans la mare totalement inutile, au final. Il aurait pu approfondir un sujet, mais il a préféré se disperser dans plein d'autres, qui sont certes sa passion, mais cela a pour effet de ne faire que le renforcer dans ses certitudes et de grossir son ego comme on a pu le voir par la suite, au lieu de faire de cette expérience quelque chose de plus grand qui aurait pu trancher une question qui perturbe pas mal de monde. Je suppose qu'il faut garder une part de mystère... part de mystère bien utile aux charlatans et à toutes les formes d'obscurantisme.

 

Qu'on m'entende bien, j'aime les mystères, et je publie beaucoup sur des sujets étranges que je n'ai pas les moyens de creuser. Mais je ne peux cautionner ceux qui naviguent en eau trouble, dans le but inavoué de probablement conserver leurs certitudes confortables, en fait.

 

Bref cette expérience n'est qu'un cas anecdotique mais tout à fait révélateur et assez déplorable d'un certain état d'esprit qui existe dans le milieu scientifique et son microcosme que constituent certains geeks... Un microcosme au demeurant assez méprisable fait d'une sous-culture inférieure à médiocre, une vénération du déplorable cinéma hollywoodien, des comics, de la sous-culture des jeux vidéo japonais, etc. Et ce n'est pas parce que je suis moi-même très proche d'être un geek attiré par ce type de jeu et biberonné à cet univers que je peux accepter de cautionner cette mentalité médiocre bien de notre époque. Mais c'est comme ça. La « science », aujourd'hui, est « défendue » par ce type de groupuscule bien peu admirable, ce qui participe justement à sa désacralisation par la sur-sacralisation. Ne pourrait-on pas juste la laisser à sa place de méthode efficace, mais pas omnipotente ?

 

 

C'est que la science vit sa propre vie, tout en étant sans cesse actualisée par les mouvements humains qui l'utilisent ou qui se revendiquent de celle-ci comme d'une mouvance.

 

La science en devient une sorte d'entité qui vit par elle-même et qui en devient supra-humaine. Bien sûr, ce fait passe complètement sous les radars de ceux qui ont la tête dans le guidon en permanence, qui la pratiquent comme une religion tout en croyant ne la considérer que comme une discipline. La science est bien plus qu'une discipline : c'est tout à la fois un milieu, une méthode, une idéologie, une dynamique, un système de croyance, et bien d'autres choses encore qui contribuent à en faire quelque chose d'autonome qui échappe à l'humain.

 

Ce n'est pas la seule chose dans ce cas, on pourrait parler des nations, de certaines idées, de mouvances politiques ou idéologiques, ou encore du système civilisationnel lui-même, ou de l'industrie, qui se comportent bien plus comme des entités ayant leurs propres objectifs et leurs propres agendas que comme de simples disciplines ou sous-ensembles soumis au contrôle de l'humain. Mais je ne veux pas trop élargir à présent.

 

Ce que je veux dire ici, c'est qu'il y a des choses qui échappent complètement à l'homme, y compris jusque dans l'appréhension de leur existence. Essayez d'adopter mon idée de la science comme entité autonome et de l'évoquer avec une personne lambda et vous comprendrez ce que je veux dire : vous aurez l'impression de parler à un sauvage d'une autre époque, tout juste capable de grogner et de tirer sa femme par les cheveux. Alors imaginer que la science peut mener sa propre vie, que l'industrie tire l'homme dans une direction bien plus que l'homme ne s'en sert à son profit...

 

Dans le même ordre d'idée, faire saisir que le combat contre l'obscurantisme porte les germes d'un nouvel obscurantisme est une chose difficile à faire comprendre, que je n'ai probablement pas su faire passer ici, mais si j'ai planté quelques graines...

 

 

Mais il me faut conclure cette seconde partie, quitte à ne pas développer totalement chaque idée que j'aurais voulu développer. Les limites d'un blog, malgré la longueur de mes articles (autre différence avec mes tous premiers articles).

 

 

J'ai essayé de dire à quel point nous vivions dans une époque paradoxalement abrutie par une science qui prétend nous éclairer et nous éduquer à la pensée critique, alors qu'elle participe à nous maintenir dans les tréfonds d'un marécage obscur, prétentieux puant d'effluves d'un autre temps.

 

La zététique, la pensée critique, le doute méthodique, bien qu'outils indispensables pour éclairer une pensée dans un premier temps, et toujours utiles ensuite, peuvent devenir des boulets incroyablement lourds à traîner dès lors que l'on veut conduire une pensée plus loin.

 

Il vient un moment où, comme lorsque l'on doit enfin effectuer ses premiers pas, il faut abandonner ce qui nous avait permis jusque là de tenir debout, de construire ce qui allait nous permettre d'avancer dans la vie. Il faut réaliser que chaque savoir succède à un autre, et que l'ancien savoir doit faire place au nouveau. Qu'une méthode éprouvée jusqu'à un certain moment devient un lest néfaste pour aller au-delà.

 

Il y a la science, il y a ses résultats, mais il y a aussi ses écueils. Nous en sommes à user de cette pratique presque éculée pour justifier des mensonges, pour améliorer et perfectionner des techniques de propagande, tandis que pour d'autres, c'est un moyen potache pour se moquer d'arnaqueurs... La science est dépassée par elle-même et par les abus qu'on lui impose. Je n'ai rien à proposer de « mieux », je crois juste qu'il faut la dépasser. Non pas passer à la « post-science » comme on serait passés à la « post-vérité », mais enfin lâcher prise avec ces trucs du vieux-monde qui ont démontré leurs limites à ceux qui veulent bien les voir.

 

Changer de paradigme scientifique ne sera pas suffisant, car ce qu'il faut, c'est carrément un nouveau paradigme civilisationnel, qui emportera avec lui le vieux monde et sa vieille science, qui aujourd'hui n'est qu'une bouse encroûtée qui ne sert que de soin palliatif à un monde en état de gériatrie avancée.

 

Qu'on arrête de mettre la science « universitaire » au service d'idéologies stupides et anti-humaines comme l'idéologie du genre et sa cohorte d'hystéries consternantes, qu'on arrête de justifier l'ingénierie sociale et humaine par des méthodes d'eugénisme scientifique, qu'on arrête de vouloir fliquer tous ceux qui seraient des « complotistes » ou d'authentiques escrocs, de favoriser la guerre des sexes et la guerre des pauvres contre les encore plus pauvres, et qu'on en finisse avec ce culte des faits qui stérilise la pensée et l'intelligence.

 

Il y a des idées qui sont dans l'air. Dans la pluie et dans le vivant, dans la cellule et dans le pétale, dans le scintillement d'une étoile ou dans la larme qui coule sur une joue.

 

Et contre cela, la science toute puissante ne peut rien. Elle ne peut rien pour non plus, d'ailleurs.

 

 

 

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