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L'Oeil du Selen
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4 juillet 2016

La fausseté du clivage gauche-droite (et des autres clivages politiques)

 

Cet article n'a aucune prétention de faire de la politologie, ni de fournir une solution aux problèmes actuels. Une fois encore, je me positionne en observateur éclairé (et certainement pas en expert proclamé) en matière de sociologie et de psychologie, pour tenter un état des lieux non exhaustif, épousant mon propre angle de vision des choses.

 

Ce souci du clivage politique n'est ni nouveau, ni spécifique à moi, puisqu'il traverse notamment les sociétés occidentales depuis l'invention des parlements, tout comme les crises financières existent depuis l'existence même du capitalisme. Je me permets ce parallèle osé en préambule de ma réflexion à venir, car il m’apparaît évident que ces parallèles sont reliées par une même logique, sur le plan phénoménologique. En d'autre terme, comme l'avènement du capitalisme et du parlementarisme sont simultanés, ils ne peuvent que participer communément aux crises auxquelles nous assistons, et dont les rebonds se font de plus en plus de dégâts dans le présent de l'humanité et de ses prétentions civilisationnelles.

 

Le clivage gauche droite, et plus largement la bipolarisation politique, manifestent ainsi l'une des limites de la psychologie humaine. Puisque nous sommes prisonniers d'un monde matériel et duel, nous devons faire des choix, prendre des décisions. Les décisions apparaissent d'autant plus simples que nous découperons le monde en deux pôles, pour faire apparaître des questionnements binaires.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gauche_et_droite_en_politique

 

 

Au sortir de la révolution, le choix binaire qui se présentait était évident : pour ou contre la monarchie, pour ou contre la république ? Fin des débats. Par la suite, les choses se sont complexifiées, et comme l'indique Wikipédia, le découpage démocrate versus républicains aux USA a tellement changé qu'on aura vu même s'opérer des inversions entre les deux grands partis, preuve d'ailleurs parmi bien d'autres de l'artificialité de ce découpage.

 

Il est intéressant, lorsqu'on se penche sur la liste des bipolarisations proposée sur Wikipédia, ainsi que sur les idées communément admises, de constater que, si certaines valeurs ou dénominations sont relativement constantes (social ou socialisme pour définir une sensibilité de gauche, mise en avant d'un caractère religieux, d'une autorité ou d'un attachement aux traditions pour une sensibilité de droite), les exceptions sont plus nombreuses que les règles. Ainsi, les termes « populaire », « démocrate », « libéral », et d'autres encore, s'intervertissent à droite ou à gauche, selon les pays, certainement selon leurs histoires et traditions politiques propres, mais cela trahit bien davantage le fait que ces « valeurs » sont d'une certaine façon universelles, et ne peuvent être revendiquées spécifiquement ni par la gauche, ni par la droite, d'où une confusion des genres devenue la norme, d'où le fait qu'un gouvernement français actuel finisse par mener une politique de droite dure alors qu'il se dit socialiste (et qu'on n'observe rien de social dans son approche), d'où une usure de l'intérêt des populations et de la crédibilité des partis et des politiciens qui continuent à se réclamer de ce clivage. A noter que le parti nazi avait été sans doute le premier à surfer sur cette confusion en se réclamant à la fois du socialisme et du nationalisme, pour former un monstre politique sans tête.

 

Sur un plan tout à fait anecdotique, cela me fait penser au découpage proposé comme critère dans le jeu vidéo Democracy 3, qui oppose socialisme et capitalisme, et conservatisme et libéralisme, dans l'un de ses tableaux :

 

http://www.jeuxvideo.com/screenshots/452462-2199619-0

 

Je ne peux pas dire si ce découpage a une quelconque pertinence, bien qu'il semble en avoir une dans la mécanique du jeu lui-même, mais un jeu a toujours sa propre logique. Ce tableau avait eu au moins le mérite de me rendre perplexe, et c'est pourquoi je vous le soumets.

 

S'il est certes communément admis depuis longtemps qu'une approche sociale s'oppose à une approche purement économique, et que le libéralisme a tendance à bousculer les acquis traditionnels, ces points ne me semblent pourtant ni antinomiques, ni incompatibles, ni même nécessairement travailler les uns contre les autres. Ce ne sont tout au mieux que des orientations politiques, et j'ai du mal à voir pourquoi on ne pourrait pas être conservateur et libéral, voire socialiste et conservateur, et au risque de bousculer des idées toutes faites et bien enracinées.

 

Quoiqu'il en soit, et pour bien illustrer la façon dont les repères que l'on croit les mieux établis peuvent être mis à mal, on pourra observer comment la tentative actuelle d'un Macron de se démarquer du clivage – qui est lui-même traditionnel, notons-le car ce n'est pas sans intérêt – suscite d'oiseuses discussions sur l'imminence de la fin du clivage gauche-droite, ou au contraire l'impossibilité quasi immanente à y mettre fin :

 

http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/decryptages/2016/04/21/25003-20160421ARTFIG00154-la-fin-du-clivage-droite-gauche-un-reve-recurrent-une-impossibilite-constante.php

 

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/05/06/31001-20160506ARTFIG00203-les-derniers-jours-du-clivage-gauche-droite.php

 

http://www.radiovl.fr/notion-clivage-gauche-droite-encore-pertinente/

 

Un lien court (car article tronqué pour moi), plus intéressant, me semble en dire bien plus long que ces liens à lui seul :

 

http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/28/vers-la-fin-du-clivage-gauche-droite_4910366_3232.html

 

« Si la nuance n’est pas sans importance dans un pays où le « ni droite ni gauche » a d’inévitables relents populistes, voire antirépublicains, elle ne doit pas pour autant masquer l’essentiel : pour Emmanuel Macron, qui le répète dorénavant en toute occasion, « le vrai clivage, aujourd’hui, est entre les progressistes et les conservateurs, plus qu’entre la gauche et la droite ». »

 

Si la tentative (que j'espère vouée à l'échec) de Macron relève pour moi clairement de la manœuvre opportuniste d'un démoulé des grandes écoles, jamais élu et essayant de se reconnecter au peuple, c'est à dire aux électeurs, elle est néanmoins révélatrice de notre temps, bien plus que ne veulent le dire ceux qui se réfèrent à des échecs déjà anciens d'opérer ce prétendu grand écart entre des valeurs qui s'opposeraient. Si d'autres que Macron, allant de Valls à Marine Le Pen, relèvent cet effritement du clivage, ce n'est en effet pas sans pertinence, puisqu'il s'agit d'une réalité.

 

Mais cette réalité provient-elle de la lente évolution des circonstances du monde, ou encore de la société française ? Ou bien provient-elle plutôt d'un décalage produit entre cette évolution de la réalité perçue par l'électorat et le peuple dans son ensemble, et l'inertie du monde politique, enfermé sur sa propre planète, vivant dans un statu quo rendu nécessaire par le maintien de ses privilèges ?

 

Puisque nous parlons d'inertie, mentionnons le simplisme qu'il y a à vouloir enfermer le nouveau clivage dans une opposition entre conservatisme et progressisme, soit la nécessité d'avancer lentement, suivant une dynamique de progrès mesuré, en tenant compte de la nécessité de préserver certains acquis et certains repères du domaine des traditions et de la culture locale. Il est pourtant clair, à la lumière du vote du Brexit, et d'une mouvance toujours en expansion dans ce pays, visible par exemple à travers la montée du FN, que le progressisme comme le conservatisme, ont déjà montré leurs limites. Il est parfaitement caricatural de résumer les choses à la nécessité de préserver un équilibre entre le progrès social et la préservation d'un certain cadre de vie, même s'il est forcément tentant de le faire, aussi bien en tant que politicien que de citoyen. Mais c'est avoir une bien courte vue des choses, pourtant.

 

En effet, cela n'est jamais qu'un point de vue centriste des choses, qui est tout sauf une révolution des idées politiques. Tout au contraire, cela démontre le manque d'audace et d'imagination de ceux qui sont censés être nos décideurs, qui depuis toujours, ont été tentés de concilier des extrêmes, alors qu'il ne s'agit pas du tout de cela.

 

Ainsi, le conservatisme serait la tendance à préserver la solidité d'une société en la changeant le moins possible tant qu'elle fonctionne, tandis que le progressisme se servirait des opportunités offertes par le développement social, technique et économique, pour offrir une plus belle place aux minorités jusque là opprimées par le besoin d'une cohésion de la masse.

 

C'est oublier que le conservatisme est avant tout mis à mal, non pas par des progrès sociaux, mais par une dérive technocratique qui est notamment celle de Bruxelles, qui n'a aucun respect pour les peuples, et qui éveille ainsi les passions nationalistes, suscite des frustrations identitaires et traditionnelles bien légitimes, puisque les peuples ne sont plus reconnus suivant leurs cultures et leurs habitus, mais encadrés par des normes et régis par des techniques économiques qui font fi des sensibilités particulières.

 

De même, le progressisme n'est plus qu'un paravent pour justifier une fuite en avant sans fin vers ce technocratisme ploutocratique, oligarchique et gérontocratique, et l'on aura eu beau jeu de se servir de l'argument du vote des vieux lors du Brexit, pour mieux inverser les conclusions. La vérité est que les jeunes, et leur sensibilité plutôt progressiste, sont les premiers otages de ces politiques à la bruxelloise, et que le « progressisme social de gauche » a été instrumentalisé pour mieux abattre les résistances des « indécrottables réactionnaires de droite », et c'est à mon avis la véritable raison pour laquelle tous les clivages de type gauche droite n'ont plus lieu d'être. Ils ne sont pas simplement délégitimés par des évolutions dans les sensibilités, ou dans l'état du monde, mais par des politiques post-modernistes qui n'ont aucun égard pour toutes ces choses. Par ailleurs, le pourrissement des idéologies politiques, rendues caduques par l'emprise des lobbies marchands et industriels qui dictent leur loi à l'UE comme aux USA et au reste du monde, jusqu'à remplacer la politique par des considérations purement économiques, sont derrière ce problème.

 

La fin du clivage ne provient donc ni de la malléabilité de l'électorat, ni d'évolutions naturelles du monde, ni même d'un état de crise de la croissance, ou autre truc du genre, mais bien plus en amont, d'une transition historique dans le sens de la technocratisation qui dénie désormais toute légitimité aux peuples d'exister en tant que tels, et encore moins en tant qu'entités ayant une légitimité à décider de leur sort, ou simplement à avoir une emprise sur les décisions qui influent sur ce sort.

 

Ainsi, et si le monde est nécessairement régi par des mouvements, il est une imposture de prétendre que la nouvelle fracture idéologique qui importe est celle du conservatisme versus le progressisme, quand ces tendances sont niées ou instrumentalisées, et que la fracture se situe clairement et très prosaïquement entre les intérêts d'une élite qui coupe tous les ponts démocratiques (comme la rhétorique actuelle sur le Brexit le montre), et les intérêts d'un peuple qui lui échappent toujours plus, au bénéfice de cette élite en déconnexion avec sa base, mais aussi avec le monde, justement.

 

Adopter cette nouvelle définition du clivage proposée par un Macron serait tomber dans un piège grossier, de nouvelles décennies de tergiversations inutiles et hors du propos sur une nouvelle chimère émanant d'une élite cherchant toutes les excuses pour perpétuer un statu quo qui n'est qu'à son avantage.

 

 

Dans un registre similaire, je tiens à signaler cet article de Jacques Sapir qui explique en quoi la gauche a besoin de remettre en question son rejet du souverainisme :

 

http://www.les-crises.fr/la-haine-de-gauche-de-la-souverainete-par-jacques-sapir/

 

Très bonne réflexion à mon avis, qui plante un clou de plus dans le cercueil du clivage gauche droite.

 

Dans un monde idéal, il n'y aurait aucun besoin de se réclamer de gauche ou de droite pour réaliser l'importance d'une telle question. En effet, la seule bonne raison d'adopter un rejet du souverainisme ne saurait être ni de droite ni de gauche, mais ne peut partir que d'une vision du monde qui nie la politique – on ne parle pas d'une posture apolitique, ici, mais bien d'une posture anti-politique – et donc soumise à d'autres « maîtres », et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Je parle ici des lobbies hyper-puissants qui transcendent de loin les pouvoirs des états et dictent leurs décisions, imposent des guerres, des pillages, et j'en passe. Le grand délire NWO des illuminati assez commun pour expliquer tout et n'importe quoi est ici largement dépassé par un état de fait qui a déjà pris corps, et qui s'incarne dans la domination des multinationales super-prédatrices. Que ces entités s'appuient sur d'autres supports, y compris des rituels et des sociétés secrètes, est parfaitement possible et même probable, connaissant la nature de l'homme, mais reste purement une façon de se faire peur, quand le danger est déjà là, installé et bien concret, sous la forme tout à fait prosaïque des grandes sociétés marchandes qui grandissent en vampirisant l'argent et en se mangeant les unes les autres.

 

 

 

En somme, il nous faut dépasser les clivages politiques, mais non pas pour en recréer un autre tout aussi artificiel. Tous ces clivages ne font désormais plus que faire perdre du temps précieux pour combattre une machine qui écrase la populace, pendant que la financiarisation et la technocratie sont les seules choses dont on peut dire qu'elles bénéficient d'un « progressisme ».

 

Je conclurai donc cet article sur ceci, et sur deux liens, l'un permettant d'aller un peu plus loin sur l'histoire de la construction du clivage gauche droite (ce qui permet de se rendre compte en quoi il est artificiel, basé sur des idées reçues, et aujourd'hui particulièrement dépassé, si l'on prolonge un peu le propos), et enfin une vidéo protestataire d'un anglais sur les manipulations qui ont entouré le Brexit, et qui m'a parue bien sentie. Plus que cela, si l'on sent derrière cette vidéo, et sur la chaîne qui l'a postée, une forte sensibilité que l'on dira de droite, j'estime que c'est justement un argument supplémentaire pour enfin reconnaître que, quelle que soit notre sensibilité – et la mienne serait plutôt de gauche apolitique et anarchiste si une telle chose est possible – il y a de bonnes choses à prendre partout, et que plutôt que de nous laisser enfermer dans des stéréotypes qui réduisent notre pensée et notre indépendance d'opinion, nous devrions plutôt débattre sur les points qui importent, et non pas camp contre camp. Toutes ces manœuvres, ces calculs, ces loyautés de partis ne conduisent qu'à des opportunismes particuliers qui sont à combattre bien plus qu'à pratiquer. On m'accusera d'utopisme sans aucun doute, et je reconnais qu'il peut sembler illusoire d'en finir avec les stratégies politiciennes, pourtant il est urgent de commencer tout de suite, car si cela paraît illusoire, c'est que cela n'a jamais été entrepris par un peuple. On ne le dira jamais assez, le peuple ignore son vrai pouvoir, et s'il l'ignore, c'est en grande partie parce qu'il s'est laissé diviser, et ce notamment par des clivages artificiels qui relèvent en réalité de la politique politicienne de bas étage, très loin de l'idéal citoyen dont on nous rebat les oreilles.

 

http://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1998_num_48_1_395251

 

https://www.youtube.com/watch?v=nfRK9e7PwQk

 

 

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