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L'Oeil du Selen
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23 juin 2016

Morale et modernisme (1/4) Introduction : le cas de l'anti-racisme

A la base, le sujet du racisme n'est pas un sujet qui m'intéresse beaucoup. Je sais que cela peut surprendre, alors que j'ai fait la démonstration de mon intérêt pour tout ce qui touche aux sujets de société. Par ailleurs, je suis plutôt sans tabou d'une manière générale, et je peux très bien parler de religion ou de science, et de tous les autres sujets dont il ne faut surtout pas parler à table, surtout pour évoquer leurs dérives.

 

Entendons nous, c'est un sujet parfaitement légitime et important, et il est probablement sain que des personnalités et des blogueurs s'en emparent. Probablement. A moins que...

 

Dès qu'on parle racisme, on est très facilement entraîné dans une spirale de lieux communs, soit pour justifier notre racisme, soit pour expliquer en quoi c'est un problème de premier ordre contre lequel lutter, et dans lequel il faut se montrer exemplaire et intraitable.

 

Il y a deux sortes de blagues qui ne me font presque jamais rire. Les blagues racistes, et les blagues sexistes, qui ne font bien souvent qu'alimenter les stéréotypes. En mon for intérieur, les gens sont égaux quels que soient leur race, leur genre et leurs différences, point barre. Ce qui me rappelle d'ailleurs cet épisode de South Park, où toute une polémique s'élève dans la ville, à propos d'une histoire de blancs pendant un nègre, sur le drapeau commémoratif de la ville de South Park, ce qui conduit à toutes sortes de débats et de batailles de mots mais aussi de coups de poings, à l'établissement de groupes, de mouvances et d'associations, tandis que les enfants ne comprennent même pas de quoi il est question. A la fin de l'épisode, après avoir écouté le point de vue nécessairement innocent de ces derniers sur le sujet, on corrige le drapeau selon une version politiquement correcte... dans lequel le noir est toujours la victime.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chef_p%C3%A8te_les_plombs

 

Il en va de même avec toutes les polémiques sur les thèmes affectivement et moralement chargés, qui se transforment très facilement en pugilat camp contre camp. On milite, on s'agite et on parle beaucoup, mais on ne résout rien. Pire, plus on en parle, plus on excite inutilement des tensions préexistantes. Il est tentant de désigner des ennemis (ceux qui ne pensent pas pareil) et des amis ou alliés (ceux qui pensent pareil), et ainsi d'accroître le fossé entre les différents bords. Le moindre trait d'humour ou mot de travers conduit à une escalade polémique souvent ridicule, stérile et catastrophique.

 

A titre d'exemple, il y a peu, sur un forum – je ne sais pas ce qu'il m'a pris de croire qu'on pourrait y comprendre mon propos – je me lance dans un laïus un peu regrettable sur le culte de la science. J'ai eu le malheur de dire qu'il existe des sites sur le Coran qui présentent ce livre comme fournissant des réponses scientifiques au sens strict du terme. Mon but n'était surtout pas de dénigrer l'islam, mais de fournir un exemple de recherche de caution scientifique, en prenant en compte que cette dérive est caractéristique d'une forme d'intégrisme. Bon, vous imaginez la suite.

 

A mon corps défendant, j'étais transformé par une participante en « loup criant avec la meute des islamophobes », et toutes mes tentatives de clarification n'y ont rien changé. J'aurais pu parler d'un type croyant aux loups-garous et tentant de trouver une caution scientifique pour soutenir sa croyances. Mais comme un imbécile, j'avais choisi cet exemple là. Malheur à moi. Ça n'aurait pas été pire si j'avais ouvertement commis un blasphème quelconque, et cela en dit surtout long sur l'état d'impatience au sein des diverses « communautés », qui ne demandent peut-être que d'exploser. Quoiqu'il en soit, j'assume ma maladresse, mais ce que je ressens, c'est surtout l'injustice d'avoir été traité ainsi. Visiblement, le sens de la mesure est difficile, pour certaines personnes. Par ailleurs, le fait que mon argument de fond a été totalement ignoré à cause du malentendu, est éloquent sur le fait qu'on est là en terrain miné.

 

 

Mais bien plus que tout ce que je viens de dire, dans le fond, le sujet ne m'intéresse pas, parce que je le considère comme une bataille d'arrière-garde perdue d'avance. Le racisme, d'une part, est issu des instincts primaires de l'humain, qu'on peut éduquer, mais pas annuler. Il faudra donc toujours composer avec. D'autre part, le racisme tel qu'on l'observe dans les sociétés humaines, surtout actuelles, est bien plus une conséquence qu'une cause primaire des problèmes. En gros, plus on plonge les populations dans certaines conditions particulières, comme la promiscuité des banlieues ghetto, plus on exacerbe le racisme latent des différentes communautés. Dans les banlieues, le problème résulte non pas tant de l'immigration que d'un projet de société qui relève de l'exploitation des masses, auquel répond un urbanisme adapté à ce projet (parquer les gens à un endroit pratique pour cela), mais inadapté aux besoins humains.

 

Par conséquent, si l'on voulait faire diminuer le racisme, il serait bien plus avisé de s'attaquer plutôt à ses causes. Ici, les projets politiques, l'urbanisme qui l'accompagne, sans parler des manœuvres de conditionnement des masses, qui consistent dans ce cas précis à les diviser par une utilisation pernicieuse des médias, de l'électoralisme, et j'en passe. Bien plus que cela, il faudrait repenser les fondements même de notre société d'acculturation multiculturaliste, mais est-ce vraiment possible d'élever le débat jusque là, lorsque les premiers pas se font déjà en terrain miné, et qu'on marche sur des œufs tout du long ? Par exemple, dans tout ce que j'ai déjà dit jusqu'ici, je n'ai aucun doute qu'un militant d'un camp ou d'un autre, trouverait matière à me blâmer, si ce n'est à me lyncher, un peu comme dans « Là où il y a de l'hygiène », une nouvelle de P.K. Dick, où le protagoniste principal qui refuse de prendre parti à propos d'un choix de société, se retrouve également harcelé et ballotté par les partisans de chaque camp.

 

http://lebouquineur.hautetfort.com/archive/2015/03/02/philip-k-dick-petit-dejeuner-au-crepuscule-5569679.html

 

« Carl devint cramoisi. « Vous n’arriverez jamais à le faire passer, bande de saligauds. » Mais sa grosse voix manquait de conviction. Les Naturalistes avaient peur ; les Puristes contrôlaient le Conseil fédéral. Si le scrutin se prononçait en leur faveur, il était fort possible que le projet visant à rendre obligatoire le respect des cinq points du code puriste ait soudain force de loi. « Personne ne m’enlèvera mes glandes sudoripares, marmonna Carl. Personne ne m’obligera à contrôler mon haleine, à me blanchir les dents et à me faire repousser les cheveux. On se salit, on devient vieux, gras et chauve, mais c’est la vie qui veut ça. » »

 

 

Car n'est-ce pas précisément le projet anti-raciste que de préparer un monde aseptisé où chacun finirait par être identique et noyé dans le projet d'acculturation globale, précisément promu par les tenants de la mondialisation ? Et donc, l'idéologie anti-raciste n'est-elle pas l'alliée objective qui s'ignore du néo-colonialisme qui aspire à l'exploitation de tout être né humain, quel que soit sa couleur, son sexe et son orientation sexuelle, de même que le féminisme avait été distordu et manipulé suivant le même objectif ? Je sens que je vais finir par péter sur une mine, là... Qui va jeter la première pierre à l'apolitique indiscernable que je représente ? C'est la question qui m'étreint...

 

 

Et même si je reconnais sans mal l'utopie rayonnante que serait un monde sans racisme, je dis que s'attaquer au racisme lui-même revient à taper directement sur la cuirasse, quitte à rebondir dessus, plutôt qu'à en chercher le point faible. On peut ainsi nourrir son image de soi, suivre la ligne de faille d'un vécu personnel compliqué, je le reconnais, mais certainement pas parvenir à un résultat probant. Il est clair que le racisme est alimenté par l'état de la société, par les dérives de la politique, et je constate qu'après plusieurs décennies de projets anti-racistes lancés au niveau politique, le racisme n'a pas régressé. On pourrait même se demander s'il n'a pas progressé, mais en tout ce qui a progressé, ce sont les tensions identitaires et communautaires. D'ailleurs, comment mesure-t-on cela objectivement ? Comment un juif castagné par des arabes, un chiite lynché par des sunnites, un afro-américain éborgné par la police blanche, ou un blanc exterminé par un activiste black power se réjouit-il que le racisme aurait statistiquement diminué ? Sans prôner le fatalisme, je ne vois dans l'activisme anti-raciste qu'une agitation vaine, un spasme de la société moderne. D'autant que cet activisme là utilise ses oeillères pour ne jamais voir les formes détournées telles que l'auto-racisme, le racisme inversé, et j'en passe.

 

Et dans tout ça, la faute à qui ? Mais d'ailleurs est-ce vraiment la faute à quelqu'un ? Y a-t-il vraiment quelqu'un à blâmer en particulier ? Les politiciens qui ont flatté ces bas-instincts, par exemple au FN, n'ont pas inventé le racisme, ils n'ont fait que s'en servir. Des gens comme Zemmour n'ont certes pas fait que du bien, mais après tout, ce n'est qu'un individu qui parle en son nom, et n'est-ce pas d'ailleurs son droit ? Même si je ne cautionne absolument pas son utilisation de sa position médiatique pour répandre sa pensée médiocre et repoussante. La désignation d'ennemis n'est pas l'apanage des réactionnaires dans son genre, elle est aussi celle de beaucoup d'anti-racistes engagés.

 

Je ne crois pas qu'on arrivera au moindre semblant de résultat positif avec n'importe quelle variante du discours « le racisme c'est mal » ou « touche pas à mon pote ». On ne fait que renforcer ainsi des stéréotypes sur les races et le racisme lui-même, se donner bonne conscience, et au mieux, encourager à l'hypocrisie.

 

Cesser de stigmatiser, à chercher la morve jusque dans le nez du raciste désigné, et chercher à analyser les racines du problèmes me paraîtrait déjà une piste plus prometteuse.

 

Ce n'est pas en soulignant les différences et en portant le projecteur sur des stéréotypes qu'un Martin Luther King a œuvré contre les discriminations. Certes, il affrontait le problème de face, mais c'était un être exceptionnel. Ce que je retiens est qu'au lieu de se contenter de stigmatiser les « blancs », il a surtout cherché à mettre en avant une pensée et une dynamique humanistes, et il a certes joué un grand rôle dans la fin de la ségrégation.

 

« Il y a des gens qui demandent aux militants des Droits Civiques : “ Quand serez-vous enfin satisfaits ? ” Nous ne serons jamais satisfaits aussi longtemps que le Noir sera la victime d’indicibles horreurs de la brutalité policière. »

 

Disait déjà ce grand homme, en 1963.

 

Seulement voilà, 50 ans après Martin Luther King, la police assassine bien plus de noirs que les fusillades ne font de victimes dans ce pays, et pourtant – le saviez-vous ? - il y en a en moyenne une par jour. Ce sous l'empire d'un président afro-américain, désigné comme prix nobel de la paix. Ses mandats ont connu une explosion sans précédent et un retour en arrière spectaculaire, en matière de comportements racistes et violents.

 

 

 

A-t-on donc vraiment progressé, ou est-ce que le racisme, malgré l'abolition de la ségrégation, a connu un soubresaut en avant, suite à un regain d'énergie dans la politique de division des populations, et de la dégradation du niveau de vie en occident ? Dans ce cas, et sans résolution de ces problèmes, il n'y aura guère d'espoir d'obtenir des résultats en prenant le problème de front, comme si on pouvait seulement le séparer du reste. On ne peut pas préserver une société structurellement dysfonctionnelle et s'attendre à obtenir un résultat sur un seul aspect des causes issues de ces dysfonctionnements. Lorsqu'une voiture est bonne pour la casse, il est inutile de vouloir changer les essuie-glaces.

 

Ce qui s'observe aux USA n'est pas différent de ce qui s'observe en Europe. Je n'ai pas besoin d'expliquer ce qui a participé à ce pic d'activité du racisme. Peut-être ai-je besoin en revanche de redire que le terrorisme, tout comme l'intégrisme islamiste, sont d'abord le fruit des politiques impérialistes et néo-colonialistes occidentales. S'attaquer aux conséquences de cette politique sans corriger celle-ci, c'est comme vouloir vider l'eau du lac avec une cuillère. Déplorer les amalgames, dénoncer l'explosion du racisme immanquablement généré par les flux de réfugiés, ce n'est qu'une vaine posture morale.

 

 

Non seulement le sujet est miné, mais il est sale. Rien que d'en parler, j'ai déjà l'impression de marcher dans la merde jusqu'aux genoux. Il fait partie de ces sujets où on ne peut que remuer les instincts primaires les plus bas. Il est trop facile de désigner des méchants, et de se départir ainsi de la conscience de la haine primale qui est enracinée au plus profond de chacun de nous, et qui se déguise tantôt sous le masque de l'anti-racisme, tantôt sous celui de l'écologisme, ou de n'importe quelle autre cause moralement valorisée, pour nous investir un peu trop commodément du beau rôle. L'anti-racisme primaire n'est que le pendant du racisme primaire. Or, on n'a pas souvent la chance d'entendre des propos du niveau de ceux d'un Martin Luther King, ou dans un autre genre, d'un Tariq Ramadan. La plupart du temps, le discours anti-raciste n'est que le prétexte tout trouvé pour un défouloir haineux guère moins répugnant que les borborygmes d'un Zemmour. Et lorsqu'il se part d'atours lumineux, ce n'est guère mieux non plus. Bien sûr, il est interdit de dire ce que je viens de dire, si l'on voulait se restreindre dans les bornes de la bienséance.

 

Qu'on m'entende bien, je suis contre le racisme, et je considère que c'est un fléau à éradiquer. Tout le monde ne s'en porterait que mieux. Mais nous avons trop tendance à considérer que nous sommes investis du rôle du héros, quand nous combattons pour un idéal. En vérité, et à part les cyniques, les nihilistes et les psychopathes, chacun se bat pour un idéal qu'il considère comme le sien, et qu'il place bien au-dessus de celui des autres. A partir de là, chacun est convaincu de faire le bien, selon les critères qui lui sont propres. Le combat anti-raciste est typiquement le genre de combat que l'on mène pour éviter une dissonance, ou par projection. Attention ! Je ne dis pas que ceux qui mènent ce combat sont des tordus, ni qu'ils ont tort de le mener. Ils ont raison. Mais se rendent-ils compte de leurs véritables motivations profondes ? Vraiment, j'aimerais le croire, et j'aimerais croire que ces raisons profondes sont totalement désintéressées, neutres, et relèvent purement du sacrifice pour un idéal. Quelles que soient ces raisons, et le fait qu'elles soient bonnes, dans une considération purement humaniste, n'enlève rien au fait que cette lutte est affligée d'un angle mort qui nuit terriblement au résultat.

 

Comme nous l'enseignait déjà Socrate (c'est à dire en fait Platon), nul ne commet sciemment le mal (mettons de côté les psychopathes, qui font figure d'exception, et qui ne font le mal que parce que cela leur procure du bien).

 

http://la-philosophie.com/nul-est-mechant-volontairement

 

Partant de ce postulat, qui vaut pour moi un constat difficile à dénier (je n'ai encore jamais vu quelqu'un commettre le mal pour le mal, sauf dans des films et des BD), il faut alors devenir très prudent, et regarder en soi. Non pour abandonner la cause, mais pour voir qu'elle n'est qu'une pièce d'un casse-tête géant, qu'il conviendrait selon moi de prendre par un autre bout.

 

« Pour moi, je suis à peu près persuadé que, parmi les philosophes, il n’y en a pas un qui pense qu’un homme pèche volontairement et fasse volontairement des actions honteuses et mauvaises ; ils savent tous au contraire que tous ceux qui font des actions honteuses et mauvaises les font involontairement »

 

En d'autres termes, c'est à notre corps défendant que nous causons du tort. Dit d'une autre façon, l'enfer est pavé de bonnes intentions.

 

Par exemple, l'attitude vindicative et inquisitrice avec laquelle certains mènent leur combat ne peut que les desservir, eux et ce combat. En accablant les autres de reproches, on ne les aide pas, on n'aide en vérité que sa propre conscience.

 

Dans le cas d'un Dieudonné, s'en prendre à lui, l'incriminer et vouloir l'interdire ne fait que réactualiser sa conviction d'être victime d'un complot, ou tout du moins, d'avoir découvert un rouage du système d'oppression des noirs et des arabes. Du coup, poursuivre sur cette voie est comme lui donner raison et l'encourager.

 

Or, combien de féministes ont écœuré des hommes à force de leur jeter à la figure une domination patriarcale dont ils ne sont aucunement responsables ? Combien de missionnaires ont écœuré des gens à propos de la religion de bien dont ils voulaient leur parler, à force d'insistance ? Combien de militants écologistes, ou de végétariens, ont lassé leur entourage, à force de leur faire la morale ?

 

Ces gens voulaient ou veulent tous très sincèrement, et j'imagine de tout leur être, améliorer la condition de l'humain sur Terre, et ils étaient si fervents dans leur envie d'y réussir, qu'ils ont fait un peu plus de place pour la haine.

 

C'est ainsi que, pour ma part, autrefois féministe et anti-raciste convaincu, je me suis lassé de certains discours, et ai fini par percevoir leurs limites, parfois leurs contours caricaturaux. Expliquer la souffrance du monde par le patriarcat à lui seul n'est-il pas simpliste ? Expliquer que le racisme est le mal de tous les maux n'est-il pas une vision un peu courte ? On croirait entendre, en vérité, des relents de cette pensée judéo-chrétienne moralisatrice et culpabilisante, qui ramène toute idée ou tentation impure à un péché.

 

« Par exemple, on est parfois en butte à d’étranges procédés de la part d’une mère, d’un père, de sa patrie, d’autres hommes qui nous touchent aussi de près. En ce cas, les méchants regardent la malignité de leurs parents ou de leur patrie avec une sorte de joie, l’étalent avec malveillance ou en font des plaintes, afin de se mettre à couvert des reproches et des outrages que mérite leur négligence ; ils en arrivent ainsi à exagérer leurs sujets de plainte, et à grossir de haines volontaires leurs inimitiés forcées. »

 

On dirait une peinture du militant invasif type. Pour commenter un peu plus, la plainte serait ici celle qui porterait le discours anti-raciste (c'est à dire à charge contre les racistes désignés), dont l'un des buts n'est pas seulement de combattre le racisme, mais aussi de se mettre à l'abri des critiques, ainsi que des reproches provenant du surmoi, c'est à dire également à l'abri de l'auto-critique qui devrait accompagner la prise de conscience que la haine est aussi chez l'anti-raciste, et elle y est si bien que sa logique est avant tout une logique d'opposition à autrui. C'est une posture extrêmement dangereuse, sur le plan psychique, social et spirituel.

 

Ainsi, le militant anti-raciste a-t-il beau jeu de dénoncer le clivage produit par le racisme (qu'on ne niera pas), pour mieux ignorer sa propre façon de créer une séparation entre lui et le raciste (pour s'en distancier, par le processus de projection), alimentant dans les faits ce même clivage, et ne permettant pas au raciste (contrairement à ce qu'il espère, et entravant ainsi de lui-même son propre objectif avoué) de sortir de son attitude néfaste.

 

En fait, on pourrait même dire que ces causes se défendent d'elles-mêmes, et progressent spontanément. En effet, ce ne sont pas les gens qui portent les causes, mais les causes qui portent les gens.

 

En suivant cette idée, un raciste fait de l'anti-racisme à chaque fois qu'il ne cède pas à ses penchants, tandis qu'un anti-raciste agit en raciste à chaque fois qu'il tente d'imposer son point de vue.

 

En effet, à chaque fois qu'il se contient, le premier gagne une occasion de constater que rien de plus terrible n'arrive que lorsqu'il manifeste sa haine, et même au contraire. Tandis que le second, aveuglé par la foi dans sa cause, occasionne des dégâts qui lui portent du tort, ce qui est bien pire que s'il n'avait rien fait.

 

 

« Socrate défend les points suivants au sein de cet extrait du Protagoras :

  • Personne ne désire le mal

  • Personne ne se trompe volontairement ou en connaissance de cause

  • La vertu est la connaissance

  • La vertu est suffisante pour le bonheur. »

 

Or, si la vertu est suffisante pour le bonheur, position socratique type, quel besoin y aurait-il de corriger les autres ? Il suffirait de leur montrer l'exemple de la vertu, ils finiraient par en voir le bien-fondé, et finiraient peut-être par l'adopter. Et si la vertu s'avérait n'avoir aucun bien-fondé, alors il ne servirait à rien de chercher à l'imposer à autrui. De là à dire que dans l'activisme anti-raciste, il n'y a aucune vertu perceptible, et que l'activiste se fait juste miroir de la haine de l'autre, il y a un pas... Il est sûr en tout cas qu'on se concilie difficilement quelqu'un en le matraquant.

 

« Selon lui, la faute morale provient d’une faute intellectuelle. Il faut donc pardonner aux ignorants leurs fautes plutôt que de les condamner. »

 

Il serait en tout cas beaucoup plus fin et efficace de les instruire, que de les blâmer. Et précisons qu'il est ici question d'ignorance vis à vis de soi, et de son intériorité, non du manque de connaissance sur un sujet.

 

J'affirme donc que cette lutte, menée de cette façon, est vouée à l'échec – si ce n'est à empirer les choses – et que ce n'est pas très différent que de charger des moulins à vent, et encore moins que de mener une croisade contre le mal, ce que Deubelyou ne renierait pas.

 

http://www.viabooks.fr/extraits/extrait-de-don-quichotte-de-miguel-de-cervantes-1279

 

 

A trop en faire, on finit par tuer son propre cheval. A mettre trop d'ardeur dans un combat qui n'a pas de sens, on passe à côté de l'essentiel, et l'on se trompe de cible. Le racisme n'est pas le problème. Le problème est la courte-vue de l'esprit humain, sa méconnaissance de lui-même, et sa propension naturelle à projeter dans le monde extérieur ce qui est en lui.

 

La dernière fois que j'ai mené une joute sur internet contre un identitaire raciste, j'ai mesuré toute l'absurdité de ce dialogue de sourd. J'étais alors vraiment Don Quichotte, maniant ses concepts contre une personne qui ne peut les comprendre, et lui réplique toujours sur le même ton, exactement comme un moulin qui ne serait influencé que par le vent, et pas du tout par ce que j'essayais de lui faire comprendre.

 

Il était évident pour moi que le racisme était une pure et simple absurdité, et il était évident pour lui que je tenais des propos caricaturaux « d'antifa » qui n'allaient certainement pas ébranler son idée à lui du bien... Je ne voudrais pas sombrer dans un excès de relativisme, mais qui avait raison, dans tout cela ? Bien sûr, j'étais et je suis toujours convaincu que c'était moi ; pourtant nous nous noyions dans une pareille bêtise, l'un et l'autre.

 

Le résultat, on le devine. Chacun a campé sur sa position. Et à quoi d'autre pouvait-on s'attendre, d'ailleurs ?

 

S'attaquer aux fondements politiques et sociétaux qui sous-tendent l'exacerbation du racisme, notamment en pourrissant la situation, il n'y a que ça qui peut fonctionner. Le traiter de face n'est que jeter de l'huile sur le feu, et préparer les conditions d'une guerre de tranchée consternante et stérile. Le racisme ne pousse pas, ou pas seulement sur l'humus d'une pensée décomplexée qu'il faudrait détruire (et il faudrait certes la détruire, mais pas seulement pour cette raison). Il pousse naturellement sur toutes les surfaces un peu sales où il trouve une prise. Combattez-le ici, et il reviendra par là. Vous mourrez sans avoir rien vu changer, si vous ne combattez pas les conditions qui l'encouragent, car il n'est qu'une facette de la bêtise et de la méchanceté humaine, il trouvera toujours une occasion et un prétexte pour se manifester, si certaines conditions sont réunies. Pour moi, combattre la propagande (qui entretient l'ignorance et la bêtise) est le seul moyen efficace de le réduire. Faites tomber l'édifice ploutocratique qui soutient la division des peuples, et vous entraînez avec lui plusieurs des conditions qui permettent le racisme... à moins d'engendrer ainsi une société plus chaotique encore, car on n'a rien organisé pour la suite, ce qui est également à craindre, mais est encore un autre problème. Bref, c'est un combat secondaire, qui ne peut être gagné qu'en gagnant les autres, et les autres sont prioritaires. Et aucun combat digne de ce nom n'a jamais été remporté en prétendant à une moralité supérieure, à moins que l'on considère que l'inquisition ou Guantánamo en fournissent de belles illustrations.

 

Pour en finir avec ce sujet (car me connaissant, je pourrais épiloguer encore pendant des heures), quoi de mieux que de laisser la parole à André ?

 

« André attrapa le pain et le fromage et, voyant qu'on ne lui donnait rien d'autre, baissa la tête et prit ses jambes à son cou, comme on dit. Mais avant de s'éloigner, il cria à don Quichotte :
- Pour l'amour de Dieu, monsieur le chevalier errant, si vous me rencontrez une autre fois, ne venez surtout pas à mon secours, même si vous voyez qu'on me met en pièces, et laissez-moi m'arranger tout seul. Ce sera toujours mieux que si vous me venez en aide. Dieu vous maudisse, vous et tous les chevaliers de la terre !

Don Quichotte se levait déjà pour châtier l'insolent, mais celui-ci partit comme une flèche, si bien que personne n'eut l'idée de le suivre. Le récit d'André avait beaucoup irrité don Quichotte; et ses compagnons durent réprimer leur forte envie de rire pour ne pas l'irriter davantage. »

 

 

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