Les fleurs de Bach, prix de la crédulité et symptôme du rejet des émotions dans la société occidentale
Bon, ça fait quelques mois que je me dis qu’il faut que je mette quelques lignes là-dessus, ne serait-ce que pour exorciser cette bêtise dont on m’a rebattu les oreilles pendant toute une année de cours de naturopathie. Les fameuses fleurs de Bach.
Alors, cours de rattrapage pour ceux qui ne connaissent pas. Il s’agit des « élixirs de fleurs », inventés au début du 20e siècle par le docteur Bach, un homéopathe anglais qui, sur la fin de sa vie, abandonne l’homéopathie pour s’intéresser aux propriétés des fleurs sur les humeurs et les problèmes émotionnels. Dans une démarche purement intuitive et basée sur l’inspiration, le docteur Bach poursuit sa quête de flower power et établit au final une liste de 38 remèdes à base de fleurs, à laquelle s’ajoute le relativement célèbre « rescue », que l’on trouve de nos jours jusqu’en pharmacie.
Il s’agit d’une démarche totalement dépourvue d’argumentation, de base scientifique, mais surtout de démonstration factuelle de son efficacité, et que certains n’hésiteront pas à qualifier de chamanique, car il faut bien qu’une pratique new age à tendance commerciale se pare de quelqu’apparat pseudo-spirituel lui donnant de facto une fausse validation aux yeux des crédules.
Les fleurs de Bach, ça marche ! s’exclament tout en même temps naturopathes, gourous de province, chamans arc-en-ciel, bonne maman, Ginette-qui-fait-de-l’écriture-automatique-entre-la-vaisselle-et-les-chiffres-et-les-lettres, et Mademoiselle Goude, conseillère agréée en fleurs de Bach et vendeuse de chiots de race à ses heures.
Et je vous le confirme tout-de-go, les fleurs de Bach, ça marche ! Oh que oui ! Et d’une citation, je le prouve :
« Publiée en 2009, une revue systématique5 a relevé seulement 4 essais cliniques avec groupe témoin qui portaient sur les effets des élixirs floraux. Deux d’entre eux6,7, réalisés auprès d’étudiants en santé et contrôlés par placebo, n’ont pas noté de différence significative de l’anxiété entre les deux groupes. Le troisième, un essai clinique aléatoire8, qui portait sur 40 enfants souffrant d’un trouble de déficit de l'attention (TDAH), a donné des résultats similaires. Finalement, la dernière étude9, menée auprès d’étudiants en soins infirmiers, n’a montré aucune différence significative dans les niveaux d’anxiété entre le groupe élixirs et le groupe témoin. Selon les auteurs de cette revue systématique, les études réalisées à ce jour ne permettent pas de conclure que les élixirs floraux produisent des effets bénéfiques supérieurs à un placebo. »
Donc, les fleurs de Bach, ça marche ! Il existe en tout et pour tout 4 études sur les fleurs de Bach, et toutes prouvent que les fleurs de Bach, ça marche ! Donc, les fleurs de Bach, ça marche ! Oui. Mais pas plus qu’un placebo. Pas plus qu’un verre d’eau, un morceau de sucre, un peu de camphre, un bisou, un ce-que-vous-voulez qui ne tient pas dans une petite fiole mignonne et hors de prix.
Car oui, tel est le vrai problème. Après tout, que les gens se soignent avec un peu de Brandy dilué dans de l’eau (car c’est ni plus ni moins ce que vous retrouvez dans un flacon de fleurs de Bach classique, il est admis qu’il n’y a de toute façon aucun principe actif de plante à y trouver, et pour cause lorsque l’on connaît le mode de fabrication), pourquoi pas, si cela les soulage, même illusoirement, après tout, un chaman peut bien comprendre cela. Mais qu’on fasse payer cela ? Et à ce prix ? Il y a là définitivement quelque chose qui choque mon bon sens et l’éthique la plus basique.
Tout un chacun devrait se rendre compte de ce fait. Elaborer des fleurs de Bach, cela consiste essentiellement à mettre des idées en bouteille, et à les vendre. Concrètement, sur place, on dépose par exemple les pétales de la fleur qu’on vient de cueillir dans un verre d’eau, déposé ensuite à la lumière du soleil pendant quelques heures. Puis ensuite, on dilue le tout et on remplit des centaines de flacons avec cet « élixir ». Franchement on a là le modèle type de l’arnaque basée sur l’esprit consumériste à deux balles (mais réellement à plusieurs dizaines d’euros le flacon chez certains revendeurs !), ne fonctionnant que par la crédulité des gens et les faux espoirs qu’ils entretiennent.
Il y a aussi la manière délicieusement infantile et anthropo-centriste avec laquelle on détermine l’effet de tel ou tel élixir. Le pin pousse toujours davantage en hauteur, et donc il est l’élixir qui traite le perfectionnisme maladif. Allons bon. Des centaines de millions d’années d’évolution n’ont attendu que le fait que l’humain, qui ne représente même pas une seconde sur les 24h d’existence de l’univers connu, remarque ce fait symbolique si profond. Le pin avait toujours été là uniquement pour traiter cette préoccupation de traiter le perfectionnisme, qui en elle-même est une manifestation d’un hygiénisme mental obsessionnel à tendance pathologiquement perfectionniste… Et en plus de ça, une compulsion à rejeter les émotions, vécues comme étant anormales, inquiétantes. Qui faut-il soigner, dites-moi ? Les gens qui vivent des émotions, ou ceux qui les déclarent problématiques en tant que telles ? On reproche souvent à l’univers psychiatrique de créer toujours de nouvelles pathologies, pour avoir de nouvelles molécules à vendre en tant que médicaments, mais qu’a-t-on là ? C’est exactement la même chose.
On pourrait arguer pendant des heures sur la puérilité du concept, sa fausseté essentielle, sa profonde naïveté s’accordant à merveille avec un certain état d’esprit positiviste béat si généralement rencontré dans le milieu new-age à tendance angélique, petites fleurs et gentils oiseaux (deux branches de l’évolution qui pratiquent dans certains cas le meurtre et le carnivorisme si décriés), mais bon. Je vais pas passer mon après-midi sur le sujet, pour moi c’est d’une telle évidence que ce prétendu remède est une blague intersidérale que je vais simplement m’arrêter là et laisser un autre site finir le boulot. Je n’ai pas spécialement l’habitude de pointer vers des sites sceptiques, dont le fonctionnement par principe est d’être fermé à tout ce qu’ils ne peuvent expliquer de manière matériellement rationnelle, mais je dirais que pour le coup, c’est tout à fait justifié. Autant il existe clairement des méthodes thérapeutiques ou spiritualistes pouvant avoir des fondements, autant avec les fleurs de Bach, on est dans le charlatanisme le plus évident, le plus défini, c’est clair comme de l’eau de roche (et il existe des élixirs de minéraux tout autant sujets à caution, j’en profite pour le dire).
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article590
Sur ce, et en attendant un prochain article, je vous souhaite à tous un bon début d’été, et vous rappelle d’utiliser votre argent à meilleur escient que dans des babioles dont le seul effet démontré est celui d’enrichir ceux qui les vendent. Et aussi d’arrêter si possible de vous croire malades dès qu’une émotion survient… Une émotion, une humeur, sont des choses parfaitement saines et normales qu’il est insensé de vouloir censurer par des poudres de perlimpinpin. Que la joyeuse nostalgie estivale et la glorieuse lassitude des embouteillages vous saisissent !
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Note importante : les commentaires sous cet article sont verrouillés à la date du 1/09/2018. Il ne s'agit pas de censure mais d'un manque d'intérêt pour des critiques peu constructives qui sont pratiquement toutes du niveau "arrêtez de tritiquer". Dans un article à venir, j'essaierai d'aller plus loin que l'article présent dans lequel les esprits chagrins, qui eux mêmes déplorent mon "négativisme", n'ont semblé retenir qu'un soi-disant dénigrement de leur cher produit (voir ma dernière réponse aux commentaires, remontant à la date d'aujourd'hui, tujours le premier septembre 2018).
En attendant je vous renvoie déjà à mon article sur l'effet placebo, qui lui-même date de 2 ans, et n'a suscité aucune réaction, contrairement à celui présent sur les fleurs de Bach, qui heurte apparemment la sensibilité des consommateurs et consommatrices convaincus d'une petite base d'alcool saupoudrée de bonnes intentions.
L'effet placebo, éternel caillou dans la chaussure des médecins, et as dans la manche des charlatans
N'oubliez pas une chose : le boulot d'un vendeur est de vendre, et le travail d'un libre penseur est de pratiquer la pensée libre et critique. Ceci est particulièrement indispensable quand le public choisit quant à lui de dénigrer la pensée critique pour se livrer à la société de consommation, pire lorsqu'il le fait en croyant y échapper, ainsi qu'à ses méfaits. Halte aux marchands d'huile de serpent !
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Mon article de réponse aux commentaires est paru aujourd'hui, 7/9/2018 :
http://seilenos.canalblog.com/archives/2018/09/07/36686121.html